Écrit par Vincent Miailhe
Un premier aqueduc, une première source : La Font-Morillon.
La source est accessible en 3D sur le lien suivant : https://skfb.ly/6xVLC. Pour visualiser le modèle 3D : clic gauche maintenu avec le bouton de la souris pour la rotation, clic droit maintenu pour les translations et la molette pour avancer et reculer – Pour les tablettes et smartphones, un doigt pour faire tourner, deux doigts fixes pour les translations et doigts écartés/rapprochés pour zoomer
Depuis le milieu du XVIe siècle, l’aqueduc antique de Mediolanum a suscité la curiosité de nombreux érudits ; les précurseurs mentionnent l’existence d’un tel ouvrage par la présence de vestiges sillonnant les communes du Douhet, de Fontcouverte et de Vénérand tels que des puits, des galeries souterraines, des arches de pont.
En 1714, Claude Masse fut le premier à dresser des plans de certains de ces ouvrages tels que les ponts des Arcs et de Haumont, à établir une analyse et à proposer une description du monument. Ses successeurs enrichissent nos connaissances, alors que C. Masse ne voit qu’une seule source, celle du Douhet à La Grand-Font, François de La Sauvagère, en 1770, dans son recueil d’antiquités dans les Gaules, inclue la source de Vénérand sans pour autant en préciser le tracé.
Plan de C. Masse (1714), le pont des Arcs (golf de Fontcouverte) et la restitution du pont de Haumont
L’analyse de François-Marie Bourignon marque un tournant dans l’étude topographique du tracé de l’aqueduc. Il publie de nombreuses observations sur le monument antique et identifie une nouvelle source à l’ouest de la Grand-Font, sur la commune d’Écoyeux, au lieu-dit Fond Giraud. Il rejette, dans un premier temps, l’idée de la source de Vénérand émise par F. de La Sauvagère, mais ses recherches dans le vallon de la Tonne le conduisent à admettre son existence. Le tracé de l’aqueduc est encore flou et on note que l’existence d’une source à la Font-Morillon, sur la commune de Fontcouverte, n’est jamais mentionnée par les auteurs pas plus que l’existence de deux aqueducs construits successivement. Une première cartographie est ainsi proposée à la fin du XVIIIe siècle avec trois sources sur les communes d’Écoyeux, du Douhet et de Vénérand.
Le XIX° siècle n’apporte pas plus de renseignements au sujet de la source de la Font-Morillon mais remet en question la théorie de F.-M. Bourignon au sujet de la source de Fond Giraud à Ecoyeux ; des sondages sont même entrepris un peu avant la deuxième guerre mondiale à Fond Giraud dont les résultats confirment les hypothèses des érudits du XIXe siècle. Dans la première moitié du XXe siècle, les travaux de Marcel Clouet permettent de reconnaitre, sur la commune de Fontcouverte, la source de la Font-Morillon comme un captage alimentant l’aqueduc sans pour autant y voir la source primitive du monument interprétée comme telle par les frères Triou, au milieu du XXe siècle.
Les dernières recherches sur l’aqueduc de Saintes, initiées par la Société Archéologique et d’Histoire de la Charente-Maritime en 2003, ont permis de mieux cerner ce monument, vieux de plus de 2 000 ans, d’en définir une cartographie précise sur 75% de son parcours et d’obtenir son classement, en 2011, au titre des Monuments Historiques sur la totalité de son tracé. Ces travaux de recherches, répartis entre plusieurs équipes pluridisciplinaires – étude d’archives et équipe de terrain – ont duré treize années. En 2012, une opération archéologique a été engagée, sous la direction de Jean-Louis Hillairet, pour mieux comprendre la source de la Font-Morillon, genèse du premier aqueduc de Mediolanum. C’est lors de cette campagne de fouille qu’un relevé photogrammétrique a été réalisé par Vincent Miailhe. Ce relevé est accessible grâce au lien suivant https://skfb.ly/6xVLC et il vous permettra de visualiser en 3D le monument (rappel : clic gauche maintenu avec le bouton de la souris pour la rotation, clic droit maintenu pour les translations et la molette pour avancer et reculer).
Plan de la source de la Font-Morillon
Une source devait exister à l’époque romaine mais un aménagement fut nécessaire pour capter la nappe souterraine. Le bassin de captage est une excavation quadrangulaire de 4,5 m de côté et profonde de 5 à 6 m, taillée dans le substrat calcaire coniacien, comprenant sur sa face nord, une abside en cul de four (1) de 1,65 m de rayon d’où surgit la résurgence. Quelques traces d’enduit mural de couleur rouge subsistent sur les parois de l’excavation. L’accès à ce bassin se fait par l’ouest à l’aide d’un escalier droit composé d’une dizaine de marches (2) dont l’emmarchement varie de 1,7 m à 2 m au pied du bassin avec un giron de 0,45 m et une hauteur de marche de 0,33 m. En descendant l’escalier vers le bassin, de part et d’autre, deux niches rectangulaires (3) taillées dans le rocher se font face mais leur fonction reste difficilement interprétable.
Cet ensemble était bien entendu couvert par une toiture, supportée par une charpente, comme en témoigne la quantité importante de tegulae et d’imbrices découvertes ainsi que des négatifs de poteau mis au jour lors de la campagne de fouille.
Restitution d’après J.-L. Hillairet
L’eau s’écoule par un canal (4), de 0,65 m de large, greffé sur la paroi ouest du bassin au nord de l’escalier. Taillé dans le rocher, le du conduit correspond parfaitement aux techniques de construction du premier aqueduc de la fin du Ier siècle av. J.-C. : deux piédroits maçonnés en moellons liés par un mortier reposant sur un sol de béton de tuileau et l’ensemble recouvert par un enduit hydraulique pour assurer l’étanchéité du specus. La couverture du specus est une voûte en plein cintre dont les claveaux sont des pierres plates ; un type de couverture qui diffère de ce que l’on rencontre sur le tracé de l’aqueduc.
Le mobilier archéologique antique récolté lors de la campagne de fouille de 2012 est composé, en grande partie, d’éléments de construction tels que des tuiles. Cependant, des fragments de poterie ont été trouvés dans les niveaux anciens et, fait surprenant, un lot de verreries de belle facture. Pourquoi de tels objets ici, s’agit-il de dépôts votifs dans un contexte sacré ? Les investigations n’ayant pu être poussées plus loin en raison de problèmes techniques liés aux remontées des eaux, des recherches supplémentaires seraient à engager pour mieux connaître ce site.
Coupe côtelée en verre, milieu du Ier siècle de notre ère
La Font-Morillon simple source d’eau vive ou nymphée ? Le site est-il plus qu’un lieu de captage pour alimenter en eau une ville ; nullum fons enim non est sacer, « il n’y a aucune source qui ne soit divine » affirmait Servius. Dans l’Antiquité, les sources fondaient la vie et elles étaient des espaces de sacralité, donnant naissance à des sanctuaires. Ainsi l’hypothèse d’un nymphée à la Font-Morillon est plausible, d’autant que cette source est celle du premier aqueduc de Mediolanum, capitale de la grande province Aquitania !
Vincent Miailhe, archéo-topographe
Le site de la Font-Morillon est accessible en 3D au lien suivant : https://skfb.ly/6xVLC.
Recommandation pour naviguer à l’intérieur des modèles 3D : clic gauche maintenu avec le bouton de la souris pour la rotation, clic droit maintenu pour les translations et la molette pour avancer et reculer. Avec une tablette ou un smartphone, un doigt pour faire tourner, deux doigts fixes pour les translations et deux doigts écartés/rapprochés pour reculer ou avancer. Les annotations en bas de la fenêtre et les pastilles placées sur le modèle 3D vous permettent de suivre un cheminement défini et d’obtenir des commentaires supplémentaires, pour cela il suffit de cliquer sur les flèches ou directement sur les pastilles. Le descriptif du monument ou de l’opération archéologique est placé en dessous du modèle 3D.