« En ce mois de décembre où partout les cadeaux circulent : manuscrits, tapis, cierges, pruneaux de Damas arrangés en jarres à facettes… », c’est ainsi que le poète Martial décrit l’ambiance des Saturnales, la grande fête de fin d’année qui se déroulait sur plusieurs jours et qui voyait l’ordre conventionnel suspendu dans la Rome antique. Parmi les présents offerts à cette occasion, l’auteur latin d’origine espagnole mentionne ici les bougies de cire mais parle ailleurs d’un autre type d’éclairage qu’on a retrouvé lors des fouilles archéologiques menées à Saintes.
Connu pour ses poèmes piquants et parfois franchement obscènes, Martial a écrit, entre autre, deux livres entièrement composés de phrases en deux vers, censées accompagner les présents qui se donnaient au moment des Saturnales. Deux lignes destinées à l’étiquettes d’une lampe de chambre à coucher, peuvent être traduites ainsi :
« Près de ton lit, la nuit, je veille et te vois bien,
Mais fais ce que tu veux, je n’en dirai rien »
Il parle bien-sûr d’une lampe à huile, en céramique ou en bronze
D’un usage courant durant l’antiquité, ces lampes illuminaient toutes les maisons à l’époque romaine dans le bassin méditerranéen. Principal moyen d’éclairage, l’huile d’olive contenue dans le réservoir alimentait une mèche imbibée qu’on enflammait pour donner une lumière douce. En Gaule, sur la façade Atlantique, cette huile était importée et l’huile de noix ou la cire d’abeilles restaient chères, on utilisait donc aussi couramment des lampes à graisse animale solide pour s’éclairer. Pour autant, celles en terre cuite de tradition romaine ont été adoptées très tôt par les Santons.
On sait qu’ils ont pratiqué ce type d’éclairage dès la fin de la période républicaine puisqu’on en a retrouvé des restes brisés dans des fosses dépotoirs datées de -30/-20 sous l’actuelle école Émile Combe. La anse à l’arrière est encore à cette date un ruban d’argile collé en forme de boucle pour y passer l’index mais rapidement cet appendice va soit disparaître, soit être moulé dans la masse.
Avec la montée en puissance de la ville et l’enrichissement de ses habitants au premier siècle de notre ère, de très beaux luminaires sont commercialisés à Mediolanum. Pour preuve, dans le quartier des artisans de la rue Daubonneau fouillé en 2001 par l’équipe de Karine Robin, une belle lampe ornée d’un taureau chargeant à été mise au jour. Elle s’apparente à celle retrouvée dans un puits, rue du général Sarrail, décorée d’un coq. Ces exemplaires façonnés en série avec des moules en deux parties ne semblent pas avoir été fait sur place, comme l’atteste le fragment de lampe provenant du cimetière Saint-Vivien portant la marque du potier EUCARPUS. Si les grands ateliers gaulois en ont conçus en grande quantité, jusqu’à présent nous n’avons pas de témoignage d’une production Médiolanaise.
Ce même siècle a vu la diffusion d’un modèle moins courant muni de deux becs afin d’accueillir deux mèches. On a la chance d’avoir retrouvé un de ces spécimens de dimension remarquable au moment des fouilles sur le terrain des « petites sœurs de pauvres ». Lorsqu’elle fonctionnait, la double flamme devait briller intensément dans l’obscurité d’autant qu’à l’arrière, sa large anse triangulaire rappelle que sur les lampes en bronze poli, cette partie servait de réflecteur pour diffuser une lumière encore plus vive.
Ces lampes en céramique, exhumées du sol aquitain auraient pu être offertes lors des Saturnales, surtout que l’offrande de lumière faisait partie des rites dans ces moments festifs*. Mais à quel point ces réjouissances qui marquent le retour de la clarté après le solstice d’hiver étaient célébrées à Mediolanum ? Cette tradition romaine était peut-être perçue comme une fête importée, tout comme aujourd’hui Halloween, antique fête celtique de Samonios, qui a su s’imposer de nouveau dans notre culture.
Cédric Grené
* Cf Macrobe, Les Saturnales – A la fin des Saturnales la fête des Sigillaires était l’occasion de s’offrir des figurines et objets en terre cuite destinées à Saturne. Le dieu qui a donné son nom à ces réjouissances, recevait aussi des offrandes de lumière sous forme de bougies, torches ou lampes à huile.
Bibliographie :
MARTIAL, Epigramme, traduction et présentation de J. Malaplate, Gallimard, Saint-Amand, 2005
Livre V. 18. A Quintilien – Livre XIV. 23. Lampe de la chambre à coucher
L. MAURIN, K. ROBIN, L. TRANOY, Saintes 17/2, coll. Carte Archéologique de la Gaule (dir. M. Provost), Gap, Académie des inscriptions et belles lettres, 2007, 439 p.
Illustration en entête : Lampe en bronze Grand Tour type museum de Cambrigde