On a tous en mémoire un petit village gaulois aux toits de chaume protégeant ses habitants des pluies hivernales. En réalité, ce mode de couverture dominait aussi dans les grandes agglomérations lorsque tout la Gaule fut occupée en 50 av. J.C. Mais progressivement, l’usage romain de la tuile s’est imposé et avec lui, un nouveau décor est apparu sur le rebord des toits : l’antéfixe.
Bien qu’il fasse penser a un nom gaulois de bande dessinée, cet ornement est d’origine grecque, comme la tradition des tuiles plates et rondes qui finirent par coiffer presque toutes les constructions d’époque romaine. Évidement, cela ne s’est pas fait en un jour. À Mediolanum par exemple, après l’édification de bâtiments officiels, on a dû attendre la reconstruction des maisons traditionnelles et la création de nouveaux quartiers pour compléter le plan romain en damier de ses rues. Une longue métamorphose qui a vu la ville se couvrir progressivement d’une teinte rouge-rosée.
Au-delà des décorations qui pouvaient couronner les toitures des édifices de prestige*, le bord de certains toits étaient crénelés d’antéfixes pour cacher la jointure de deux tuiles plates (tegulae) sous les tuiles rondes (imbrices). L’ornement terminait donc une rangée d’imbrices pour être visible de la rue. On en a retrouvé une douzaine à travers la ville comme sous l’actuelle gare routière ou rue de Tibère. Tous moulés sur le même modèle, ils présentent une tête humaine ou de lion schématiques sur une palmette où apparaît en relief, la marque « FRONT O » ou « FRONT FEC », abréviation de « Fronton » ou « Frontinus l’a fait » .
En 1993, au 37-39 rue du bois d’Amour, sur la rive gauche de la Charente, un atelier de potier est fouillé. Aux abords d’un four, on a la surprise de découvrir des fragments d’antéfixes à tête humaine d’un modèle identique mais sans signature, sans doute exécutés sur place.
Quelques années plus tôt en 1986, Guy Vienne, ancien membre de la Société d’archéologique de Saintes, avait découvert un autre atelier lors de la fouille de sauvetage précédant le creusement du canal de dérivation de la Charente à la Palu. Cette fois, avec son équipe, il mit au jour un grand complexe dont il estima l’activité entre les années 30 et 160 de notre ère. Révélant le lieu de fabrication de tuiles, de vaisselles et de divers objets comme l’oscillum en terre cuite de « la toilette de Vénus ». Il identifia surtout trois antéfixes, identiques aux deux types retrouvés par le passé : tête d’homme et mufle de lion. Cette fois, les céramiques étaient signées.
Alors, sans être sûr d’avoir découvert l’atelier du célèbre Fronton ou Frontinus, au nom imprimé sur les constructions les plus soignées de Mediolanum, on est à peu près certains d’avoir retrouvé le lieu d’où sortaient des antéfixes glanés dans toute la ville depuis plus d’un siècle.
Cédric Grené, guide conférencier, master d’histoire de l’art
* article d’A. Bouet, « L’épi de faîtage, un élément de terre cuite méconnu : à propos de deux exemples en Dordogne » in Aquitania XXI, 2005, pp. 285-298
Bibliographie :
L. Maurin, Saintes Antique, des origines à la fin du VIème siécle, Saintes, 1978 (publ. de la Société d’Archéologie et d’Histoire de Charente-Maritime), p. 229
L. Maurin, K. Robin, L. Tranoy, Saintes 17/2, coll. Carte Archéologique de la Gaule (dir. M. Provost), Gap, Académie des inscriptions et belles lettres, 2007, 439 p.
Illustration en entête : antéfixe de l’atelier de La Palu
Illustration 2 : Aquarelle de Mediolanum au Ier siècle par Jean-Claude Golvin
Illustration 3 : Extraite de Saintes Antique de Louis Maurin