Le temps des vendanges est arrivé suivant un héritage importé par les romains sur le territoire Santon où le vin fut largement produit et consommé. Cette fascination pour la vigne se retrouvait jusque dans des fioles de verre qui prirent l’apparence de grappes de raisin.
Ces petites bouteilles de moins de 20 cm, appelées « amphorisques », ont sans doute nécessité un fin support métallique pour tenir droit. Leur couleur bleutée ou bleu-vert vient de la teinte naturelle du verre lorsqu’il n’est pas décoloré par des procédés chimiques que les anciens maîtrisaient pourtant déjà. Nombre de ces fioles ont surtout été retrouvées dans le centre-ouest de la Gaule et dans la région de Cologne en Germanie qui est peut-être leur lieu de production aux Ier-IIème siècles de notre ère.
Il faut dire que la technique du verre soufflé, largement développée à partir du règne d’Auguste, favorisa l’essor des ateliers de verriers dans l’Empire. Produit de luxe à l’origine, il devient courant dès le milieu du Ier siècle de notre ère lorsque des tonnes de lingots bruts, fondus d’abord essentiellement en Orient, se sont mis à transiter par bateaux sur les mers et les fleuves pour être ensuite transformés en produits finis dans des ateliers locaux : une véritable mondialisation avant l’heure.
Services de table, nécessaires de toilette ou contenants de liquides raffinés acquirent ainsi la transparence par ces avancées bien que la céramique, toujours moins chère à produire, restait dominante sur le marché. La fabrication de tesselles de mosaïque en verres multicolores, la création de vitres pour les maisons cossues mais surtout celle d’immenses baies vitrées pour les bâtiments publiques comme les thermes de Saint-Saloine font partie des indices les plus évidents de cette économie florissante.
Des membres de la Société d’Archéologie ont retrouvé à Saintes de nombreux témoignages de l’activité verrière dont deux ateliers dans le nord de la ville : un puits comblé de déchets industriels antiques contenant une trentaine de kilos de rebuts de verre fondu et brisé avec des moules en pierre dure pour fabriquer les fonds de bouteilles carrés. A « la Fenêtre », c’est le reste d’un four présentant des fragments de verres et des gouttes vitrifiées qui a été découvert, à une centaine de mètres du lieu où fut trouvée une fiole à la panse soufflée dans un moule en forme de grappe en négatif.
Cette amphorisque était inhumée avec quatre autres fioles et une tasse en verre dans une tombe de la nécropole fouillée par l’équipe de Jean-Philippe Baigl en 1995, en vue du percement de la rue Jacques Brel. L’objet, vraisemblablement rempli de vin, devait accompagner un enfant enseveli dans un cercueil dont on a retrouvé les clous mais dans lequel le corps a disparu. L’essentiel des pièces de verre exhumées aujourd’hui proviennent de sépultures antiques reflétant la prospérité de la Gaule jusqu’à la chute de l’Empire. Après cette période les rites funéraires changent, le verre disparaît progressivement des tombes et redevient un matériau d’exception avec le déclin des flux commerciaux.
Cédric Grené, guide conférencier, master d’histoire de l’art
Bibliographie :
BAIGL J.P., FARAGO-SZEKERES B., ROGER J., « Saintes, rue Jacques Brel, nécropole gallo-romaine », DSF de sauvetage urgent, Saintes, 1996.
HILLAIRET J.L., « L’artisanat antique à Saintes », Saintes, 1995, 175p.
Sites web :
INRAP : Institut national de recherches archéologiques
Association française pour l’archéologie du verre
Photo en entête : Dessin de la grappe découverte à Saintes – P. Mornais
Photo 2 : Grappe de verre, Musée Sainte-Croix – Nécropole des Dunes à Poitiers
Photo 3 : Moule de fond de bouteille en calcaire – Puits Renaud Rousseau – 85 rue de la Boule à Saintes