Archives juillet 2020

aqueduc JLH

Projet de valorisation des aqueducs gallo-romains.

Malgré le retard dû à la crise de la COVID-19, les travaux de protection, de restauration et de valorisation touristique des aqueducs gallo-romains portés par l’agglomération de Saintes et de ses partenaires se poursuivent. Les trois sites concernés sont , la Fontaine de Vénérand, la source de la Grand-Font à Le Douhet et le Pont des Arcs à Fontcouverte.

La maison Martin à côté du moulin construit sur la source de Vénérand, a été démolie et a laissé place à la réalisation d’un diagnostic archéologique réalisé par le service départemental de l’archéologie à la fin du mois de Juin. Une opération d’élagage et de débroussaillage autour des vestiges de la source de la Grand-Font à Le Douhet et au vallon des Arcs à Fontcouverte a également été réalisée. Un lever photogrammétrique des vestiges du Pont des Arcs vient tout juste de se terminer et va laisser place aux échafaudages.

La prochaine étape sera la restauration des vestiges par les Compagnons de Saint-Jacques, spécialistes de la restauration du patrimoine ancien et historique en Aquitaine. Les travaux devraient encore durer 14 mois , l’enveloppe globale du projet de valorisation est de 3 millions d’euros.

aqueduc JLH

JUILLET – Oscillum

Oscillum

Les températures montent en juillet, c’est le moment idéal pour profiter des jardins à l’ombre d’un arbre ou d’un parasol. Durant l’antiquité à Mediolanum, on s’abritait sous les portiques qui couraient sur les quatre côtés du jardin des plus belles maisons. Entre les colonnes alignées autour de l’espace vert, des oscilla de marbre étaient suspendus aux poutres.
En 1977, l’équipe dirigée par Louis Maurin, alors président de la Société d’Archéologie de Saintes, exhume un relief de marbre au profil de femme dans une résidence de l’élite santonne. Cette demeure construite au Ier siècle, mais déjà ruinée cent ans plus tard, les archéologues l’appellent « Ma Maison ». Elle est aujourd’hui localisée sous la Résidence des « Petites sœurs des pauvres » et l’école Émile Combe. De l’objet retrouvé au fond d’un puits, subsiste une grande partie du rectangle qui le composait, on reconnaît à l’arrière de la tête le cadre lisse qui le bordait. La pièce entière mesurait un pied romain, soit 29 cm et pouvait peser près de 3kg, elle était suspendue par une chaîne métallique comme en témoigne le trou au-dessus de la coiffure.
Mais à quoi servaient ces plaques de marbre qui oscillaient au gré du vent au-dessus des têtes ? Simplement à décorer… en suivant les codes d’une nouvelle culture.
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Ménade et silène ou masques de la tragédie et de la comédie – Musée du Capitole à Rome

De formes diverses mais souvent sculptés en disques de pierre, ils pouvaient être taillés en lourdes flûtes de Pan ou masques de théâtre. Le monde de Bacchus, divinité du vin et des représentations théâtrales, était un thème à la mode dans l’Empire romain et notre visage de femme, la coiffure prise dans un tissus noué au-dessus du front, est sans doute un masque. Il représente peut-être une ménade, une femme à la danse extatique qui accompagnait en musique le cortège du dieu de l’ivresse.

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Oscillum en terre cuite produit à La Palu – Musée archéologique de Saintes

Comme pour tout oscillum en marbre, au revers de la sculpture exposée à la lumière du jardin, on trouve un décor incisé qui était peint à l’origine pour être bien visible à l’ombre du portique. Là encore le faible relief appartient à l’univers de Bacchus avec un autel enflammé et un masque de silène grimaçant qui semble déjà abîmé par le divin nectar.

Si le marbre d’importation était prisé, des exemplaires en bois ou en céramique agrémentaient les maisons plus modestes, comme le bel oscillum circulaire en argile cuite exposé au musée archéologique de Saintes. Fabriqué en série sur les bords de la Charente* avec un moule imprimant sa forme à la terre locale, les artisans de la Palu diffusaient à travers la cité des images qui circulaient dans le tout le monde méditerranéen. Ici on découvre Vénus à sa toilette entourée de jeunes filles aussi dévêtues, un modèle qui a dû charmer les santons.
Cédric Grené, guide conférencier, master d’histoire de l’art
* Atelier de potiers du canal de dérivation à la Palud, actif de 30 à 160, fouillé en 1986 sous la direction de Guy Vienne
Bibliographie :
VERNOU Chr., « Eléments de sculpture Antique », art. in Revue Aquitania, supplément 3, p. 279-290, 1988, Bordeaux.
PAILLER J.M., Deux oscilla trouvés à Toulouse (quartier St Georges), art. In Revue archéologique de Narbonnaise, T. 16, p. 385 -393, 1983.
MAURIN L., ROBIN K., TRANOY L., Saintes 17/2, coll. Carte Archéologique de la Gaule (dir. M. Provost), Gap, Académie des inscriptions et belles lettres, 2007, 439 p.
Revers osc

Revers de l’oscillum – Tiré de l’article de Christian VERNOU dans Aquitania supplément n°3

JUIN – Opus musivum

Opus musivum 5

Cette année, c’est en juin que nous célébrons la fête des mères avec ses éternels colliers de nouilles et miroirs en coquillages. Si les romains étaient réputés pour leur bon goût et leurs arts somptueux mêlant marbres et bronzes précieux, eux aussi aimaient les décorations en coquillages et brillants. C’est l’opus musivum, un type de décor apparu en Italie à la fin du IIème siècle avant notre ère. Constitué de mosaïque en pâte de verre pour embellir murs et plafonds il était parfois incrusté de coquillages ou d’autres éléments colorés. Très répandu sur la péninsule au Ier siècle de notre ère, il se diffuse en Gaule à cette période. Généralement associé aux édifices d’eau, cet appareillage ornait de préférences des fontaines ou des thermes.
A Saintes, sur le coteau des Sables (près des ateliers municipaux de la rue Daniel Massiou), on a découvert des bassins dont certains étaient munis d’un escalier de quelques marches pour y descendre. L’un d’eux, fouillé en 1892 par un membre de la Société d’archéologie, Charles Dangibeaud, était rempli de fragments d’opus musivum. Des archéologues d’aujourd’hui y voient les piscines de thermes privés d’une riche maison romaine.

Opus musivumReconstitution d’un caisson du plafond décoré de l’Opus musivum des Sables à Saintes (S. Heidet) – CAG 17/2 p.114

FB_IMG_1589053826016Un décor luxueux, fait de quatre types de coquillages, formait des bandes concentriques octogonales et circulaires à fonds chatoyants, verts, jaunes et rouges. Des rocailles ocres, des tesselles de mosaïque en pâte de verre bleue et pierre blanche, ainsi que des boules de bleu égyptien* complétaient le décor. L’ensemble devait former les nombreux compartiments, appelés caissons, d’un plafond écroulé plus tard dans le bassin.
Typique du Ier siècle, cette manière de faire intégrant des matériaux hétérogènes se rapproche de la technique italienne et se retrouve également sur quelques autres sites en France. Dès le siècle suivant la mode tombe en désuétude dans son lieu d’origine, mais perdure en Gaule romaine. C’est surtout en Armorique au IIIème siècle que cet art connaît un grand succès avec pas moins de 33 décors retrouvés. Là, les coquillages plus variés sont disposés en semis réguliers sur des fonds contrastés aux couleurs très vives et cernés de noir.
Une fraction infime d’opus musivum est exposée actuellement au musée archéologique de Saintes, comme un rare témoignage de ce que l’on découvre, encore en place sur les fontaines de quelques riches demeures de Pompeï et Herculanum.
  Fontaine en opus musivum – Pompeï
  CASA della FONTANA PICCOLA
  Photo © Claudia Wildner
Cédric Grené, guide conférencier, master d’histoire de l’art
* Pigment de synthèse d’origine orientale, fabriqué à l’époque romaine dans la région de Naples. Les composants principaux sont le sable, le cuivre, le calcium et du potassium ou du sodium (Laëtitia Cavassa, A la recherche du bleu égyptien)
Bibliographie :
J. Boislève, F. Labaune-Jean, C. Dupont. Décors peints à incrustations de coquillages en Armorique romaine. Aremorica. Études sur l’ouest de la Gaule romaine, Centre de Recherche Bretonne et Celtique (CRBC), 2013, 5 pp.9-32
L. Maurin, K. Robin, L. Tranoy, Saintes 17/2, coll. Carte Archéologique de la Gaule (dir. M. Provost), Gap, Académie des inscriptions et belles lettres, 2007, 439 p.