Archives novembre 2020

Saintes, de la cave au puits-nouvelles données sur un quartier de Mediolanum Santonum.

Une équipe d’archéologues de L’inrap mène actuellement une fouille en périphérie septentrionale de la ville antique de Saintes, une occasion de replonger dans l’histoire de Mediolanum Santonum, capitale provinciale dès le 1er siècle de notre ère, dont le patrimoine est déjà classé monument historique.

Découverte exceptionnelle d’une cave antique pour Saintes

Le mobilier abondant recueilli dans les nombreuses fosses dépotoirs présentes dans l’emprise de la fouille ainsi que le comblement d’une cave, permet de dater l’abandon du site entre 120 et 150 de notre ère. De grandes dimensions( 2,50 sur 3,50 m) et conservée sur 2,20m de profondeur) , elle possède encore ses marches d’accès et sa porte ( jambage et crapaudines). Contrairement à d’autres villes, Saintes n’avait pas encore fourni de cave!

La fouille du puits

Plus d’une centaine de puits romains ont été identifiés à Saintes depuis le XIXe Siècle. Le puits était la source d’alimentation en eau privilégiée pour la consommation quotidienne à l’époque romaine à Saintes. L’eau est sacrée, vitale pour la vie de l’homme.

La profondeur des puits dépend du contexte géologique notamment du niveau des nappes phréatiques. Ainsi pour le même secteur les profondeurs varient entre 15 et 40 m, celle de la rue Ambroise Daubonneau est de 18m.

Les rejets faits dans les puits lors de leur abandon, sont révélateurs du type d’occupation et d’activité de leur environnement. D’où le grand intérêt de fouiller ces structures en plus de l’exceptionnel état de conservation des vestiges organiques, préservés par la présence de l’eau. Rue Ambroise Daubonneau ont été découverts des végétaux tassés, des fragments de noisettes, de noix, des pommes de pin entières, du cuir et même des feuilles encore vertes…!

Ces vestiges sont rares et leur excellent état de conservation va permettre aux archéologues de pousser les analyses sur les parasites, les insectes, les graines, les pollens, les plantes utilisées (pour les teintures, par exemples) et permettre de dire quelles activités ( élevage, tissage..) se déroulaient autour de ce puits.

Fusaïoles trouvées dans le puits

Les responsables scientifiques :

Jean-Philippe Baigl , Archéologue INRAP ( auteur des photos)

Christophe Tardy -CISAP-INRAP

Le CISAP est la cellule d’intervention sur les structures archéologiques profondes de l’Inrap, constituée d’archéologues spécialement formés à la fouille des structures profondes, elle intervient sur l’ensemble du territoire national en complément des opérations de terrain en cours de fouille.

Mise en valeur de l’aqueduc gallo-romain de Saintes: fin des travaux de la partie haute « source de la Grand-Font.

Spectaculaires travaux à la Grand-Font ( Le Douhet) dans le cadre de la mise en valeur de l’aqueduc Gallo-Romain de Saintes.

Jean-Louis Hillairet, archéologue responsable des fouilles de l’aqueduc se félicite que les travaux de restauration du site de la source de la Grand-Font : « respectent le site antique suivant nos observations faites lors des fouilles » 

Le chantier devrait se terminer avant Noël .

Mission accomplie , ci-dessous les photos de la partie haute de la Grand-Font  après les travaux.

Photos: JL.Hillairet

NOVEMBRE – Antéfixe

Antéfixe de l'atelier de La Palu

On a tous en mémoire un petit village gaulois aux toits de chaume protégeant ses habitants des pluies hivernales. En réalité, ce mode de couverture dominait aussi dans les grandes agglomérations lorsque tout la Gaule fut occupée en 50 av. J.C. Mais progressivement, l’usage romain de la tuile s’est imposé et avec lui, un nouveau décor est apparu sur le rebord des toits : l’antéfixe.

Bien qu’il fasse penser a un nom gaulois de bande dessinée, cet ornement est d’origine grecque, comme la tradition des tuiles plates et rondes qui finirent par coiffer presque toutes les constructions d’époque romaine. Évidement, cela ne s’est pas fait en un jour. À Mediolanum par exemple, après l’édification de bâtiments officiels, on a dû attendre la reconstruction des maisons traditionnelles et la création de nouveaux quartiers pour compléter le plan romain en damier de ses rues. Une longue métamorphose qui a vu la ville se couvrir progressivement d’une teinte rouge-rosée.

Aquarelle de Mediolanum au Ier siècle par Jean-Claude Golvin
Aquarelle de Mediolanum au Ier siècle par Jean-Claude Golvin

Au-delà des décorations qui pouvaient couronner les toitures des édifices de prestige*, le bord de certains toits étaient crénelés d’antéfixes pour cacher la jointure de deux tuiles plates (tegulae) sous les tuiles rondes (imbrices). L’ornement terminait donc une rangée d’imbrices pour être visible de la rue. On en a retrouvé une douzaine à travers la ville comme sous l’actuelle gare routière ou rue de Tibère. Tous moulés sur le même modèle, ils présentent une tête humaine ou de lion schématiques sur une palmette où apparaît en relief, la marque « FRONT O » ou « FRONT FEC », abréviation de « Fronton » ou « Frontinus l’a fait » .

En 1993, au 37-39 rue du bois d’Amour, sur la rive gauche de la Charente, un atelier de potier est fouillé. Aux abords d’un four, on a la surprise de découvrir des fragments d’antéfixes à tête humaine d’un modèle identique mais sans signature, sans doute exécutés sur place.

Photo extraite de Saintes Antique de Louis Maurin

Quelques années plus tôt en 1986, Guy Vienne, ancien membre de la Société d’archéologique de Saintes, avait découvert un autre atelier lors de la fouille de sauvetage précédant le creusement du canal de dérivation de la Charente à la Palu. Cette fois, avec son équipe, il mit au jour un grand complexe dont il estima l’activité entre les années 30 et 160 de notre ère. Révélant le lieu de fabrication de tuiles, de vaisselles et de divers objets comme l’oscillum en terre cuite de « la toilette de Vénus ». Il identifia surtout trois antéfixes, identiques aux deux types retrouvés par le passé : tête d’homme et mufle de lion. Cette fois, les céramiques étaient signées.

Alors, sans être sûr d’avoir découvert l’atelier du célèbre Fronton ou Frontinus, au nom imprimé sur les constructions les plus soignées de Mediolanum, on est à peu près certains d’avoir retrouvé le lieu d’où sortaient des antéfixes glanés dans toute la ville depuis plus d’un siècle.

Cédric Grené, guide conférencier, master d’histoire de l’art

 

* article d’A. Bouet, « L’épi de faîtage, un élément de terre cuite méconnu : à propos de deux exemples en Dordogne » in Aquitania XXI, 2005, pp. 285-298

Bibliographie :

L. Maurin, Saintes Antique, des origines à la fin du VIème siécle, Saintes, 1978 (publ. de la Société d’Archéologie et d’Histoire de Charente-Maritime), p. 229

L. Maurin, K. Robin, L. Tranoy, Saintes 17/2, coll. Carte Archéologique de la Gaule (dir. M. Provost), Gap, Académie des inscriptions et belles lettres, 2007, 439 p.

Illustration en entête : antéfixe de l’atelier de La Palu

Illustration 2 : Aquarelle de Mediolanum au Ier siècle par Jean-Claude Golvin

Illustration 3 : Extraite de Saintes Antique de Louis Maurin