Archives décembre 2020

Premier aqueduc : traversée de la Charente.

Proposition de restitution par Jean-Louis Hillairet du pont siphon et du siphon passant au fond du lit de la Charente pour le premier aqueduc. 

 » Nos observations à la « Grève », nous permettent de préciser d’une part, que le point d’arrivée à Saintes du deuxième aqueduc est plus haut d’environ 60 cm ( à découvrir) , par rapport au dernier point connu du premier. De cette constatation , nous pouvons penser que le castellum aquae de fuite du second aqueduc est lui aussi plus haut par rapport à celui du premier, afin de pouvoir distribuer l’eau à une plus grande partie de la ville.

Au vu de l’emplacement du point d’arrivée du second aqueduc , de la hauteur de départ plus haute, et du poids ( 4 fois plus élevée), nous pensons qu’il a été nécessaire à cet endroit de réaliser un nouvel ensemble de pont aqueduc avec un nouveau réservoir de chasse ( plus haut) , un pont siphon, et une nouvelle tour de changement de direction, puis un nouveau siphon traversant également la Charente avec un nouveau réservoir de fuite.

Pour appuyer cette dernière hypothèse , il se trouve que la plate forme de l’aqueduc, reconnue dans les années 1950, ne se trouve pas dans le prolongement du pont fouillé récemment, mais plus éloignée d’une dizaine de mètres vers l’est.

De ce fait, l’expertise archéologique est passée au travers de ce tracé. sans doute que la tranchée réalisée a été faite à l’emplacement d’une arcade ».

 » Faisant suite à mon hypothèse, la carte de Saintes ( ci-dessous) , avec le parcours des aqueducs , l’emplacement des fouilles et observations réalisées , afin de mettre en évidence l’existence obligatoire d’un autre pont siphon pour le deuxième aqueduc « .

Île d’Oléron : y a-t-il un château sous la citadelle?

Un programme de recherches destiné à définir les conditions d’implantation de la citadelle moderne du château d’Oléron en Charente-Maritime, a été initié l’an dernier. les premières fouilles se sont déroulées en ce début d’automne 2020 et permettent déjà d’apporter de très nombreuses réponse.

Bâtie à partir de 1630 à la demande du cardinal de Richelieu par l’ingénieur d’Argencourt pour protéger les côtes charentaises , la citadelle de l’île d’Oléron a été plusieurs fois agrandie et remaniée aux XVIIe et XVIIIe siècles – notamment par Vauban en 1690. Erigée en lieu et place du château fort, connu par les sources dès le XIe siècle , elle voit sa surface originelle de 6,5 ha doubler en quelques décennies. En 2019 les premières investigations menées en parallèles d’une étude documentaire complète, ont consisté  en des prospections géophysiques ( Géocarta) qui  ont révélé plusieurs anomalies, correspondant entre autres à des casernements du XVIIe siècle ou à d’énormes trous de bombes liés au bombardement allié du 17 avril 1945. les fouilles devaient, quant à elles, permettre de mieux comprendre à quels types d’aménagement et à quelles périodes pouvaient se rapporter les anomalies restantes. La campagne 2020 s’est ainsi attachée à l’étude du sol de l’ouvrage à cornes construit sur ordre de Vauban et ovlitérant une parie de bourg médiéval, ainsi qu’à celle de la demi-lune royale , bastion défendant le pont et la porte royale datant des premières années de la citadelle.

Article de Bastien Gissenger, archéologue départemental de Charente-Maritime, UMR 7302 dans Archéologia de décembre 2020.

Photo : Dominique Abit

DÉCEMBRE – Lampe à huile

« En ce mois de décembre où partout les cadeaux circulent : manuscrits, tapis, cierges, pruneaux de Damas arrangés en jarres à facettes… », c’est ainsi que le poète Martial décrit l’ambiance des Saturnales, la grande fête de fin d’année qui se déroulait sur plusieurs jours et qui voyait l’ordre conventionnel suspendu dans la Rome antique. Parmi les présents offerts à cette occasion, l’auteur latin d’origine espagnole mentionne ici les bougies de cire mais parle ailleurs d’un autre type d’éclairage qu’on a retrouvé lors des fouilles archéologiques menées à Saintes.

Connu pour ses poèmes piquants et parfois franchement obscènes, Martial a écrit, entre autre, deux livres entièrement composés de phrases en deux vers, censées accompagner les présents qui se donnaient au moment des Saturnales. Deux lignes destinées à l’étiquettes d’une lampe de chambre à coucher, peuvent être traduites ainsi :

Lampe à huile à décor de coq, découverte rue du général Sarrail à Saintes © Conservation des Musées

« Près de ton lit, la nuit, je veille et te vois bien,

Mais fais ce que tu veux, je n’en dirai rien »

Il parle bien-sûr d’une lampe à huile, en céramique ou en bronze

D’un usage courant durant l’antiquité, ces lampes illuminaient toutes les maisons à l’époque romaine dans le bassin méditerranéen. Principal moyen d’éclairage, l’huile d’olive contenue dans le réservoir alimentait une mèche imbibée qu’on enflammait pour donner une lumière douce. En Gaule, sur la façade Atlantique, cette huile était importée et l’huile de noix ou la cire d’abeilles restaient chères, on utilisait donc aussi couramment des lampes à graisse animale solide pour s’éclairer. Pour autant, celles en terre cuite de tradition romaine ont été adoptées très tôt par les Santons.

Fragment signé de lampe à huile découverte dans le cimetière Saint-Vivien à Saintes

On sait qu’ils ont pratiqué ce type d’éclairage dès la fin de la période républicaine puisqu’on en a retrouvé des restes brisés dans des fosses dépotoirs datées de -30/-20 sous l’actuelle école Émile Combe. La anse à l’arrière est encore à cette date un ruban d’argile collé en forme de boucle pour y passer l’index mais rapidement cet appendice va soit disparaître, soit être moulé dans la masse.

Lampe à huile à deux becs, découverte aux « petites sœurs des pauvres » à Saintes

Avec la montée en puissance de la ville et l’enrichissement de ses habitants au premier siècle de notre ère, de très beaux luminaires sont commercialisés à Mediolanum. Pour preuve, dans le quartier des artisans de la rue Daubonneau fouillé en 2001 par l’équipe de Karine Robin, une belle lampe ornée d’un taureau chargeant à été mise au jour. Elle s’apparente à celle retrouvée dans un puits, rue du général Sarrail, décorée d’un coq. Ces exemplaires façonnés en série avec des moules en deux parties ne semblent pas avoir été fait sur place, comme l’atteste le fragment de lampe provenant du cimetière Saint-Vivien portant la marque du potier EUCARPUS. Si les grands ateliers gaulois en ont conçus en grande quantité, jusqu’à présent nous n’avons pas de témoignage d’une production Médiolanaise.

Ce même siècle a vu la diffusion d’un modèle moins courant muni de deux becs afin d’accueillir deux mèches. On a la chance d’avoir retrouvé un de ces spécimens de dimension remarquable au moment des fouilles sur le terrain des « petites sœurs de pauvres ». Lorsqu’elle fonctionnait, la double flamme devait briller intensément dans l’obscurité d’autant qu’à l’arrière, sa large anse triangulaire rappelle que sur les lampes en bronze poli, cette partie servait de réflecteur pour diffuser une lumière encore plus vive.

Ces lampes en céramique, exhumées du sol aquitain auraient pu être offertes lors des Saturnales, surtout que l’offrande de lumière faisait partie des rites dans ces moments festifs*. Mais à quel point ces réjouissances qui marquent le retour de la clarté après le solstice d’hiver étaient célébrées à Mediolanum ? Cette tradition romaine était peut-être perçue comme une fête importée, tout comme aujourd’hui Halloween, antique fête celtique de Samonios, qui a su s’imposer de nouveau dans notre culture.

Cédric Grené

* Cf Macrobe, Les Saturnales – A la fin des Saturnales la fête des Sigillaires était l’occasion de s’offrir des figurines et objets en terre cuite destinées à Saturne. Le dieu qui a donné son nom à ces réjouissances, recevait aussi des offrandes de lumière sous forme de bougies, torches ou lampes à huile.

Bibliographie :

MARTIAL, Epigramme, traduction et présentation de J. Malaplate, Gallimard, Saint-Amand, 2005

Livre V. 18. A Quintilien – Livre XIV. 23. Lampe de la chambre à coucher

L. MAURIN, K. ROBIN, L. TRANOY, Saintes 17/2, coll. Carte Archéologique de la Gaule (dir. M. Provost), Gap, Académie des inscriptions et belles lettres, 2007, 439 p.

Illustration en entête : Lampe en bronze Grand Tour type museum de Cambrigde