Cette année, c’est en juin que nous célébrons la fête des mères avec ses éternels colliers de nouilles et miroirs en coquillages. Si les romains étaient réputés pour leur bon goût et leurs arts somptueux mêlant marbres et bronzes précieux, eux aussi aimaient les décorations en coquillages et brillants. C’est l’opus musivum, un type de décor apparu en Italie à la fin du IIème siècle avant notre ère. Constitué de mosaïque en pâte de verre pour embellir murs et plafonds il était parfois incrusté de coquillages ou d’autres éléments colorés. Très répandu sur la péninsule au Ier siècle de notre ère, il se diffuse en Gaule à cette période. Généralement associé aux édifices d’eau, cet appareillage ornait de préférences des fontaines ou des thermes.
A Saintes, sur le coteau des Sables (près des ateliers municipaux de la rue Daniel Massiou), on a découvert des bassins dont certains étaient munis d’un escalier de quelques marches pour y descendre. L’un d’eux, fouillé en 1892 par un membre de la Société d’archéologie, Charles Dangibeaud, était rempli de fragments d’opus musivum. Des archéologues d’aujourd’hui y voient les piscines de thermes privés d’une riche maison romaine.
Reconstitution d’un caisson du plafond décoré de l’Opus musivum des Sables à Saintes (S. Heidet) – CAG 17/2 p.114
Un décor luxueux, fait de quatre types de coquillages, formait des bandes concentriques octogonales et circulaires à fonds chatoyants, verts, jaunes et rouges. Des rocailles ocres, des tesselles de mosaïque en pâte de verre bleue et pierre blanche, ainsi que des boules de bleu égyptien* complétaient le décor. L’ensemble devait former les nombreux compartiments, appelés caissons, d’un plafond écroulé plus tard dans le bassin.
Typique du Ier siècle, cette manière de faire intégrant des matériaux hétérogènes se rapproche de la technique italienne et se retrouve également sur quelques autres sites en France. Dès le siècle suivant la mode tombe en désuétude dans son lieu d’origine, mais perdure en Gaule romaine. C’est surtout en Armorique au IIIème siècle que cet art connaît un grand succès avec pas moins de 33 décors retrouvés. Là, les coquillages plus variés sont disposés en semis réguliers sur des fonds contrastés aux couleurs très vives et cernés de noir.
Une fraction infime d’opus musivum est exposée actuellement au musée archéologique de Saintes, comme un rare témoignage de ce que l’on découvre, encore en place sur les fontaines de quelques riches demeures de Pompeï et Herculanum.
Fontaine en opus musivum – Pompeï
CASA della FONTANA PICCOLA
Photo © Claudia Wildner
Cédric Grené, guide conférencier, master d’histoire de l’art
* Pigment de synthèse d’origine orientale, fabriqué à l’époque romaine dans la région de Naples. Les composants principaux sont le sable, le cuivre, le calcium et du potassium ou du sodium (Laëtitia Cavassa, A la recherche du bleu égyptien)
Bibliographie :
J. Boislève, F. Labaune-Jean, C. Dupont. Décors peints à incrustations de coquillages en Armorique romaine. Aremorica. Études sur l’ouest de la Gaule romaine, Centre de Recherche Bretonne et Celtique (CRBC), 2013, 5 pp.9-32
L. Maurin, K. Robin, L. Tranoy, Saintes 17/2, coll. Carte Archéologique de la Gaule (dir. M. Provost), Gap, Académie des inscriptions et belles lettres, 2007, 439 p.