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Monument médiéval : Saint-Eutrope

Écrit par Vincent Miailhe

L’église Saint-Eutrope.

SaintEutropeLe site est accessible en 3D au lien suivant : https://skfb.ly/6zSuU. Pour visualiser le modèle 3D : clic gauche maintenu avec le bouton de la souris pour la rotation, clic droit maintenu pour les translations et la molette pour avancer et reculer – Pour les tablettes et smartphones, un doigt pour faire tourner, deux doigts fixes pour les translations et doigts écartés/rapprochés pour zoomer.

Dans le cadre du projet de réhabilitation et de mise en valeur de l’église Saint-Eutrope, la ville de Saintes a fait une demande de diagnostic archéologique, en vue de l’étude sanitaire du monument dirigée par Christophe Amiot (ACMH) et le cabinet d’architectes SUNMETRON.

L’intervention archéologique, sous la direction d’Adrien Montigny (INRAP), s’est déroulée du 14 mai au 1 juin 2018. L’équipe était constituée de cinq archéologues, dont trois membres du Programme Collectif de Recherche sur Saint-Eutrope dirigé depuis 2016 par Christian Gensbeitel (Vincent Miailhe, Adrien Montigny et Jean-Paul Nibodeau).

Joyau de l’art roman en Saintonge, c’est au XIIe s. que l’église est achevée par les Clunisiens. Au XVe s. une chapelle gothique se greffe sur le chevet roman et le bras nord du transept est reconstruit pour supporter le clocher flamboyant. La nef est démolie en 1803 en raison de son état de délabrement. Une nouvelle façade de style néo-roman est érigée une trentaine d’année plus tard, cette construction englobe aussi le bras sud du transept supprimant le clocher roman de la croisée du transept. Aujourd’hui, de l’église, il ne reste que le chœur et le bras du transept. Cet ouvrage s’intègre dans un complexe abbatial, dont l’origine remonte au VIe siècle, dédié à la mémoire d’Eutrope premier évêque de Saintes.

L’emprise du diagnostic se positionne à l’emplacement de la nef de l’église à trois vaisseaux, se situant sous le parking actuel, aux abords nord du chevet et dans la crypte. Dix neuf sondages ont été ouverts dans ces trois secteurs, neuf ont été relevés par photogrammétrie et ils sont présentés dans le modèle 3D https://skfb.ly/6RRDV afin de permettre au lecteur une meilleure compréhension de la stratigraphie du site.

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Plan des sondage réalisés par l’Inrap en mai/juin 2018 – DAO Vincent Miailhe

Le premier constat est l’excellent état de conservation des vestiges mis au jour lors de notre intervention. Le second est la densité de ces vestiges ne permettant pas toujours d’atteindre le substrat rocheux et de ce fait, d’observer dans son intégralité la séquence stratigraphique du site. Ces vestiges correspondent essentiellement à des structures funéraires et des maçonneries s’échelonnant de l’Antiquité tardive au XIXe siècle

Si la présence d’une nécropole du haut Moyen Age est connue par l’historiographie et les observations des années 80 lors de travaux de voirie, ce diagnostic a bien confirmé sa présence et il a permis de mieux en estimer l’étendue. La nécropole est présente sur toute la partie septentrionale du site (Tr. 2, 3 et 15) et quelques éléments subsistent dans le vaisseau de l’église (Tr. 17). La plupart des sépultures antérieures à la construction de l’église romane sont des sarcophages monolithes avec leur couvercle et présentent une grande organisation dans leur alignement comme on peut l’observer à l’extrémité nord de la tranchée 3, aucune de ces sépultures n’a été fouillée. L’architecture funéraire change après le haut Moyen Age, le sarcophage monolithe laisse sa place à la sépulture en coffre, pleine terre ou bien cercueil en bois, élément qu’on observe à l’intérieur de la crypte. L’occupation funéraire semble se poursuivre jusqu’au XVIIIe s. sans hiatus.

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Ortophoto de la demi-colonne engagée de la nef sur le mur gouttereau sur de la nef (tranchée 18)

Le parvis actuel a bien entendu livré des vestiges de nef disparue au début du XIXe. Les murs gouttereaux des collatéraux nord (Tr. 14, 15 et 16) et sud (Tr. 17 et 18) ont pu être observés dans ces sondages et ils permettent de dresser un plan de l’édifice roman. Certains de ces vestiges étaient connus par d’anciennes interventions. C’est le cas du plan de l’église relevé en 1716 par Claude Masse, puis, en 1880, par l‘abbé Ludovic Julien-Laferrière, la mise au jour du mur gouttereau sud avec l’appui d’un cliché photographique. Les sondages sur l’actuel parvis ont permis d’affiner le plan et, élément qui ne figure pas sur le plan de 1716, d’apporter des informations d’ordre altimétrique. En effet, la particularité de cet édifice réside dans l’organisation de ses espaces de circulation entre le chœur, la nef et la crypte qui sont à des niveaux différents, la nef étant sur un plan intermédiaire. Outre les éléments liés à l’église romane et au contexte funéraire, des maçonneries ont été mises au jour dans la tranchée 17 ; elles sont antérieures à la construction du XIIe s. mais restent dans une fourchette chronologique large comprise entre l’antiquité tardive et le haut Moyen Age.

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Détail de l’église Saint-Eutrope sur un plan de Claude Masse de 1716

La crypte, ce remarquable édifice de la fin du XIe s. est divisé en trois vaisseaux et un déambulatoire qui s’ouvre sur trois chapelles. Elle est dotée aussi d’un vaste transept dont l’accès se fait maintenant par le bras nord de ce dernier en raison de la destruction de la nef centrale. Un programme de remise en service de son entrée d’origine avait été lancé au cours du milieu du XIXe s. mais est resté inachevé. Cet espace, l’avant crypte, est une pièce non accessible au public pour des raisons de sécurité, situé sous le parking, donc dans la nef centrale. Trois sondages (Tr. 10 à 12) ont été implantés afin d’apporter des informations relatives à la circulation entre la nef et la crypte. Si la densité des vestiges nous a compliqué la tâche lors de ces trois semaines d’étude, ça n’a pas été le cas à l’intérieur de la crypte où le substrat apparait à moins de 20 cm du sol actuel (Tr. 9). Néanmoins quelques structures fossoyées subsistent dont certaines sont attribuées à des sépultures et d’autres en relation avec la construction de la crypte. Quant aux sondages de l’avant crypte, ils permettent de confirmer que l’accès à la crypte se faisait par la nef centrale en empruntant une rampe entaillée dans le rocher (Tr .10)

On note la présence d’une imposante maçonnerie dans la tranchée 3 pouvant être associée à l’édifice circulaire figuré sur le plan de 1716. Un sondage complémentaire a été réalisé par Jean-Luc Piat dans le cadre du PCR (cf. https://www.sahcm.fr/activites/archeologie/recherches/decouverte-dune-chapelle-funeraire-a-st-eutrope-de-saintes).

Ce diagnostic apporte de nombreuses informations mais aussi de nouveaux questionnements à la fois sur le monument et sur l’occupation du site au sens large. Les réponses ne se trouvent pas dans cette opération de diagnostic, des études plus approfondies seront sans doute nécessaires pour mieux connaître l’histoire du site de Saint-Eutrope.

Vincent Miailhe, archéo-topographe

Pour visualiser le modèle 3D de la façade romane : https://skfb.ly/6zSuU et des sondages archéologiques: https://skfb.ly/6RRDV.

Recommandation pour naviguer à l’intérieur des modèles 3D : clic gauche maintenu avec le bouton de la souris pour la rotation, clic droit maintenu pour les translations et la molette pour avancer et reculer. Avec une tablette ou un smartphone, un doigt pour faire tourner, deux doigts fixes pour les translations et deux doigts écartés/rapprochés pour reculer ou avancer. Les annotations en bas de la fenêtre et les pastilles placées sur le modèle 3D vous permettent de suivre un cheminement défini et d’obtenir des commentaires supplémentaires, pour cela il suffit de cliquer sur les flèches ou directement sur les pastilles. Le descriptif du monument ou de l’opération archéologique est placé en dessous du modèle 3D.

Site archéologique : Les thermes de Saint-Saloine

Écrit par Daniel Dinand

Les bains dans les thermes de Saint-Saloine.

Photogrammétrie thermes v2Le site est accessible en 3D au lien suivant : https://skfb.ly/6QXpn. Pour visualiser le modèle 3D : clic gauche maintenu avec le bouton de la souris pour la rotation, clic droit maintenu pour les translations et la molette pour avancer et reculer – Pour les tablettes et smartphones, un doigt pour faire tourner, deux doigts fixes pour les translations et doigts écartés/rapprochés pour zoomer.

Le complexe thermal de Saint-Saloine date environ du milieu du Ier siècle de notre ère et il est probablement contemporain du deuxième aqueduc de Mediolanum. Ses ruines ne nous sont connues que très partiellement, seul le caldarium est visible dans sa totalité. De ce fait, la restitution des autres salles et aires d’activités reste hypothétique. Elle s’appuie sur les résultats des recherches menées sur le site depuis le XIXe siècle et sur la comparaison des vestiges avec ceux d’autres thermes situés dans le monde romain.

Le nom de Saint-Saloine provient d’une petite église, aujourd’hui disparue, construite sur les ruines des thermes. Pour accéder au complexe thermal, on devait emprunter le cardo maximus (1), grande voie cardinale se développant dans une direction sud-nord. En arrivant par le sud, les thermes étaient accessibles après le franchissement d’un probable pont qui enjambait la ravine de Saint-Saloine. Ce lieu a été répertorié à l’époque moderne sous le vocable de « Pont des Romains ».

C. Masse Fig 5 Thermes Saint-Saloine

Représentation de l’église de Saint-Saloine par C. Masse en 1714

Cette rue (cardo maximus) a été bordée par des constructions abritant des échoppes où l’on pouvait se désaltérer, se restaurer, commercer ou profiter des plaisirs de la vie. Le promeneur circulait sur un trottoir abrité par une galerie le protégeant du soleil et des intempéries.

L’un des accès probables aux thermes se faisait par le cardo, à côté d’un bassin lié peut-être à une fontaine dont il ne reste qu’un bassin et un soubassement. Passée la fontaine supposée, on devait accéder aux thermes par la galerie de la palestre (le terrain de sport). Nous pouvons supposer qu’il existait plusieurs de ces accès répartis sur les trois côtés de la palestre.

Le parcours dans les bains

Une fois entrés dans l’enceinte des thermes, on pénétrait dans l’apodyterium (le vestiaire), une salle parfois richement décorée dans laquelle on se déshabillait, on s’enduisait d’huile et on revêtait une tenue appropriée aux différentes activités décrites ci-après. Cette salle dont la présence est connue dans les thermes romains n’est pas actuellement localisée dans ceux de Saint-Saloine. Avant de passer aux bains, on pouvait pratiquer une activité physique dans la palestre, jouer, déambuler dans la galerie bordant la palestre, nouer des contacts commerciaux ou politiques, etc.

thermesStSa bis_001Plan des vestiges des thermes de Saint-Saloine – Relevés et DAO Jean-Louis Hillairet

Après s’être dépensé dans la palestre, on se débarrassait de la poussière accumulée lors des exercices physiques avant d’entrer dans le circuit de la balnéation proprement dite. La première salle à chaleur sèche, le tepidarium à température moyenne, permettait de préparer le corps à supporter des températures plus élevées.

On entrait ensuite dans la salle chaude du laconicum (chaleur sèche) (2), où l’on se débarrasse de la sueur, de l’huile et des impuretés collées à la peau grâce au strigile, un grattoir courbe en fer, bronze ou en ivoire. Dans cette salle nous remarquons deux absides présentes sur le mur sud de la salle, qui pouvaient abriter des vasques ou labrum permettant des ablutions. Un foyer et trois passages d’air communiquant avec le caldarium permettaient de chauffer ce dernier.

Après l’hygiène corporelle, venait la détente. Le caldarium (3), du latin caldus (chaud), terminait le circuit chaud des bains. De forme rectangulaire, cette salle comporte probablement un bassin. Dans une atmosphère chaude et humide, on pouvait se baigner, s’asperger d’eau, s’asseoir ou s’étendre sur des banquettes.
Bâtie du côté sud des thermes, cette salle profitait largement de l’apport de la chaleur naturelle du soleil. Le système de chauffe utilisé était le chauffage par le sol ou hypocauste. Le plancher du caldarium était formé d’une chape de béton, la suspensura (plancher suspendu), reposant sur des piles (ou pilettes) en briques carrées ou rondes au-dessus d’un espace vide destiné à la circulation de l’air chaud. Ce système, complété par des tubes en terre cuite (tubuli) insérés dans les parois faisait remonter l’air chaud provenant de l’hypocauste, chauffant ainsi les murs. Ce sont les fouilles archéologiques et surtout la disposition caractéristique des lieux qui ont permis d’identifier cette salle. Certains auteurs estiment que la température pouvait atteindre 50 à 55°C. On sait que les Romains devaient chausser des sandales à semelle de bois pour circuler dans un caldarium sans se brûler la plante des pieds.

En examinant les parois des vestiges, nous remarquons la forte dissymétrie des aménagements. En effet le mur nord comporte quatre absides, dont deux petites à chaque extrémité du mur. Ces deux éléments sont doublés par deux absides d’un plus grand diamètre. Le mur sud quant à lui ne comporte à ses extrémités que deux absides. Cette disposition permet de supposer la présence d’une grande baie vitrée, à moins que ce ne soit deux grandes fenêtres, ouvertes dans ce mur sud apportant lumière et chaleur du soleil.

L’alimentation en air chaud du caldarium est située sur le mur ouest : le praefurnium est le foyer producteur de l’air chaud circulant dans l’hypocauste et les tubuli des murs. Une chaudière était présente dans un local contigu au foyer et servait à l’alimentation en eau chaude des bains. Dans un local attenant au mur est du caldarium, une salle contenant un foyer a été mise en évidence lors de fouilles réalisée au niveau de ce mur (zone actuellement occupée par le tombeau des époux Morand).

Dans la partie est du laconicum, on remarque un assemblage de constructions liées aux thermes. Une galerie, forme la limite nord d’une aire découverte dont nous ne connaissons pas l’usage. Cette galerie communique avec une salle dont la partie nord-ouest est occupée par un praefurnium destiné à chauffer ce qui était peut-être le laconicum. Les eaux de pluies s’écoulant du toit de la galerie étaient recueillies par un caniveau (4) toujours visible.

La façade du caldarium (5)

La façade sud des thermes est le vestige le plus imposant et le mieux conservé des thermes Saint-Saloine. Longue d’environ 23 mètres, elle est ornée de 5 absides avec une alternance de formes circulaires, dites en cul de four, puis rectangulaires, séparées par des pilastres.

Thermes Saint-Saloine

Le peu d’éléments restant ne permet pas de donner avec certitude une signification architecturale à ces constructions si ce n’est le rôle de conforter le mur sud de la poussée des remblais attenants (même disposition pour le podium du temple de Montelu à Chassenon, par exemple). On a émis l’hypothèse de l’existence d’une fontaine monumentale au pied de cette masse ajourée. Cependant de nombreux détails architecturaux (absence d’alimentation et d’écoulement des eaux, d’ancrages des murs d’un bassin dans les parements apparents) remettent en question cette hypothèse flatteuse.

La sortie des bains

Après le caldarium, détendus et propres, on repassait par le laconicum puis le tepidarium. On pouvait ainsi sortir des bains après être repassés dans le vestiaire. Mais si on le souhaitait, au sortir du tepidarium, on pouvait entrer dans le frigidarium, la salle froide, dans laquelle on pouvait s’immerger dans un bassin d’eau froide (ou piscina), dans le but de raffermir les muscles et la peau détendus par les bains chauds précédents. On repassait par l’apodyterium et sortait sous la galerie du cardo.

Les toilettes publiques

Très vraisemblablement situées au sud des thermes, elles réutilisaient les eaux circulant dans l’égout (6) drainant les thermes, de la palestre au frigidarium jusqu’à la limite sud des bains. Ce conduit récoltait également les eaux pluviales de la toiture de la galerie située à l’est du laconicum. D’une capacité de 37 personnes, elles sont situées non loin d’un imposant massif de maçonneries en forme d’abside (serait ce la base du pont?) que nous pouvons encore voir sous la végétation.

L’alimentation en eau

Les thermes étaient alimentés en eau par une conduite reliée au castellum (le château d’eau de l’époque) recevant et répartissant l’eau de l’aqueduc. Les plus récentes observations font supposer l’arriver de cette conduite au sud-ouest des thermes au niveau de la chaudière qui jouxte le praefurnium et chauffe le caldarium.

Le tombeau de la famille MORAND (7)

Après abandon, le site est devenu une nécropole, dont proviennent les sarcophages réutilisés des époux Morand. Construite en 1895 et surmontée par une statue représentant le Temps, cette sépulture s’appuie sur le mur est du caldarium. Elle renferme deux sarcophages contenant les dépouilles des époux Morand, anciens propriétaires des terrains sur lesquels sont édifiés les thermes.

Daniel DINAND

Le site des thermes est accessible en 3D au lien suivant : https://skfb.ly/6QXpn.

Recommandation pour naviguer à l’intérieur des modèles 3D : clic gauche maintenu avec le bouton de la souris pour la rotation, clic droit maintenu pour les translations et la molette pour avancer et reculer. Avec une tablette ou un smartphone, un doigt pour faire tourner, deux doigts fixes pour les translations et deux doigts écartés/rapprochés pour reculer ou avancer. Les annotations en bas de la fenêtre et les pastilles placées sur le modèle 3D vous permettent de suivre un cheminement défini et d’obtenir des commentaires supplémentaires, pour cela il suffit de cliquer sur les flèches ou directement sur les pastilles. Le descriptif du monument ou de l’opération archéologique est placé en dessous du modèle 3D.

Petite histoire de l’atelier de taille de pierre.

 » L’Hostellerie Saint-Julien », ainsi improprement appelée du fait d’une erreur dans l’identification de bâtiment, ancienne quincaillerie Abelin dans son dernier avatar, avait été acquise par la ville de Saintes en 1989. De 1991 à 1993, le Centre de la pierre de Bordeaux avait encadré avec M. Saturnin, des stages de restauration du portail principal, afin d’initier des professionnels de la pierre à la restauration dans les règles de l’art.

L’un des stagiaires, Thierry Grégor eut alors l’idée de proposer à l’Atelier du Patrimoine la création d’un atelier d’initiation à la taille de pierre.

Les tailleurs de pierre (1)

L’activité démarra en novembre 1993, installée sommairement dans l’Hostellerie, avec une quinzaine d’inscrits. La place étant limitée, deux séances avaient lieu les mardis et mercredis soir de 20h à 22h. Des pierres étaient fournies gratuitement par la municipalité de Pons et la société Rocamat.

Très vite, le succès était au rendez-vous, et une liste d’attente s’allongea…

En 1997, Christophe Chappoteaux écrivit un petit texte,  » quelques nouvelles de l’atelier de taille de pierre » publié dans le journal du patrimoine. En voici quelques extraits:  » un soir par semaine, l’Hostellerie Saint-Julien s’anime au bruit des gradines, ciseaux, chemin de fer et autres instruments chers aux tailleurs de pierre ».Quinze à vingt passionnés se retrouvent dans ce lieu superbe et vétuste, d’abord pour le plaisir de tailler, de sculpter, de polir la pierre, mais aussi pour échanger sur toutes sortes de sujets..Chacun donne son avis sur le problème technique ou esthétique posé par les réalisations  en cours.On plaisante aussi car on ne se prend pas trop au sérieux, la bonne humeur est de mise grâce à l’ambiance assurée par Thierry Grégor. Celui-ci anime bénévolement cet atelier pour la quatrième année et depuis le mois de Septembre, nous avons vu naître cinq nouveaux balustres puisque c’est la figure imposée pour tout nouveau tailleur de pierre ».

Les tailleurs de pierre (2)

Les bases du fonctionnement de l’atelier étaient posées, et bien posées puisqu’elles perdurent encore aujourd’hui, avec le même enthousiasme et la même ambiance.

Peu à peu, l’atelier s’ouvre vers l’extérieur. Ainsi, en 1999, des étudiants en histoire médiévale de La Rochelle viennent à l’atelier s’initier à la taille de pierre avec leur professeur, Nicolas Fauchère. En novembre 1999, les premières journées de portes ouvertes pendant le mois de la pierre ont accueilli 75 visiteurs, ce qui est considéré comme un succès à renouveler. Depuis la fin de l’année 1999, l’atelier a déménagé à l’église des Jacobins, lieu magnifique, afin que les travaux d’aménagement de  » l’hostellerie Saint-Julien » en lieu culturel puissent commencer. C’est la carrière Transminéral de Thénac qui fournit désormais régulièrement et jusqu’à aujourd’hui des palettes de pierres.

En 2000, Elisabeth Dameron Dupas responsable de la pédagogie au sein de l’Atelier du patrimoine, accueille déjà de nombreux enfants pour des initiations à la taille de pierre dans le cadre des animations vacances de la ville, mais aussi des classes de Saintes et des environs, chaque enfant réalisant un bas-relief sur un petit bloc de pierre. Cette année-là ce sont déjà 684 élèves du primaire qui ont ainsi été accueillis pour 143 heures d’encadrement, l’activité connaissant un grand succès, limité par le temps disponible de l’animatrice.

Les tailleurs de pierre (3)

En 2002, Thierry Gregor se consacre à d’autres activités, sans passer la main à quelqu’un en particulier. L’atelier reste autogéré sans « chef », les plus expérimentés aident les « nouveaux ». Chacun peut recevoir et donner des conseils. De temps à autre, un évènement festif s’organise, soit pour fêter une belle pièce qui vint d’être terminée, ou l’achèvement d’un balustre, ou sans motif particulier. En 2003, grande nouveauté, l’atelier dispose désormais de sanitaires. Les journées portes ouvertes du mois de la pierre ont attiré 170 visiteurs, accueillis toujours bénévolement par les membres de l’atelier.

Les tailleurs de pierre (4)

En 2007, Arrigo Bortolotti et Henri Millet, deux membres de l’atelier remarquables par leur compétence et leur implication, reproduisent exactement la pierre de consécration de l’ancien couvent des Cordeliers, qui se situait à l’emplacement du palais de justice, agrandi  et inauguré le 9 janvier 2006.

Les tailleurs de pierre (5)

En 2008, des membres de l’atelier sculptent des chapiteaux des trois ordres romains et un bas-relief de façade de temple antique à l’intention des visiteurs non-voyants, pour le Centre d’interprétation du patrimoine qui se met en place à « l’hostellerie Saint-Julien » désormais rénovée. L’atelier de pierre participe également à des manifestations culturelles pour des démonstrations et des initiations à titre bénévoles. A partir de 2013, Muriel Perrin nouvelle directrice de l’Atelier du Patrimoine relance l’activité de l’atelier avec des expositions de sculptures sur des thèmes proposés chaque année aux sculpteurs :  » le vêtement romain » au musée archéologique, « gargouilles et modillons »,  » les cinq sens »,  » les métiers d’art dans la ville à l’hostellerie Saint-Julien ». L’activité d’accueil des enfants pour des initiations augmente considérablement et Catherine Chénesseau, responsable de la pédagogie, recrute régulièrement des bénévoles tailleurs de pierre pour encadrer ces séances scolaires. L’atelier propose désormais cinq séances hebdomadaires à ses membres et le nombre d’inscrits culmine à 64. Toutes ces activités, outre les séances régulières des mardis et mercredis, n’auraient pu exister sans l’implication des tailleurs de pierre qui se sont succédés durant ces vingt-six années, dans une bonne ambiance générale, avec une autogestion souple basée sur le volontariat. En 2017, l’atelier du patrimoine est repris par la ville de Saintes. L’atelier de taille de pierre qui en faisait partie ne peut être intégré à la ville. Désormais renommé « Atelier Saintais de sculpture sur pierre », après une période de flottement et d’incertitudes, les sculpteurs trouvent une nouvelle structure d’accueil et sont désormais membres de la Société d’archéologie de d’histoire de la Charente-Maritime.

Ainsi l’aventure continue et, nous l’espérons pour longtemps encore.

Les tailleurs de pierre (6)

Photos : Daniel Baillou, Michèle Dizet, Françoise Doutreuwe

L’article est de : Françoise Doutreuwe , il figure dans le bulletin n°45-2018 de la SahCM.

Voir  l’index « Association » du site , les » statuts »- l’article 10 : Dispositions  propres à l’activité sculpture sur pierre.

Monastères et couvents disparus : Le couvent des Filles de Notre-Dame .

L’institution religieuse des Filles de Notre-Dame est une congrégation fondée à Bordeaux en 1606 par Jeanne de Lestonnac. Née dans cette ville le 27 décembre 1556, elle est la fille de Richard de Lestonnac et de Jeanne Eyquem de Montaigne, sœur de Michel de Montaigne. Cette jeune femme âgée de 17 ans, épouse le 22 septembre 1573 Gaston de Monferrand, marquis de Landiras, La Mothe et autres places. De cette union naissent sept enfants, dont quatre seulement survivront. En quelques années, jeanne de Lestonnac perd plusieurs membres de sa famille proche : son oncle Michel de Montaigne en septembre 1592, son père en août 1595 et après vingt-quatre ans de mariage, son mari, en juillet 1597 ainsi que son fils aîné la même année. Alors commence pour elle une autre vie. Très pieuse, elle se met au service des pauvres puis, en juillet en 1603, devient religieuse chez les Feuillantines, monastère cistercien très strict de Toulouse. Elle y tombe malade et après quelques mois doit revenir à Bordeaux et se retire sur ses terres de La Mothe pour se soigner. Jeanne fonde ensuite en 1605, avec l’appui du Père de Borde, jésuite, une institution religieuse pour l’éducation des filles : la Compagnie de Marie Notre-Dame, approuvée par le cardinal de Sourdis, archevêque de Bordeaux, le 25 mars 1606 et par le pape Paul V, le 7 avril 1607.

Sta._Joana_de_LestonnacPortrait de Jeanne de Lestonnac

Histoire du couvent

Fondation

L’évêque de Saintes, Michel Raoul, souhaite la création d’un établissement de cet ordre dans la ville. Le 31 mars 1618, un bref du pape Paul V autorise l’installation à Saintes d’un couvent de filles de Notre-Dame et en approuve le règlement. Mais l’ouverture de cette maison est différée, les troubles religieux qui agitent la Saintonge à cette époque en sont peut-être la raison. Il semble cependant que Jeanne de Lestonnac soit un temps écartée comme supérieure de la communauté de Bordeaux et que sa remplaçante, native de Saintes, envoie, avec la bénédiction du cardinal de Sourdis, la Mère Badiffe accompagnée de deux autres sœurs et de trois novices pour fonder le couvent.

La première supérieure de cet établissement est sans doute cette Mère Badiffe, parente de Michel Badiffe, sieur de Jarlac, commune de Montils, qui administra la ville en 1605 ( famille anoblie en 1644). Cette femme gouverne avec une sagesse admirable, attirant les unes par la douceur, les autres par la sévérité. Une autre religieuse, la Mère Labat, sur laquelle nous ne possédons aucun renseignement, et d’autres novices jettent définitivement les fondements de cette nouvelle maison où les filles catholiques, ainsi que quelques protestantes repenties reçoivent leur instruction.

Le couvent des Filles de Notre-Dame est donc crée à Saintes en 1626. Les religieuses s’installent le long de l’ancienne route de Rochefort, longtemps dénommée rue des Notre-Dame et devenue depuis 1929 rue du général Sarrail.

Le couvent implanté, le reste de la communauté arrive à Saintes sous la conduite de sœur Françoise Boulaire. Les religieuses vont aussitôt s’agenouiller dans la cathédrale Saint-Pierre et se rendent ensuite à l’abbaye Sainte-Marie des Dames où l’abbesse Françoise II de Foix les reçoit et leur donne sa bénédiction. Elles entrent ensuite dans leur maison bénie ainsi que la chapelle par le grand vicaire.

Education des jeunes filles 

Ce sont des filles de la bonne société qui viennent s’instruire dans le couvent. On leur enseigne un minimum de connaissances pratiques et religieuses dans le but d’en faire des épouses respectables, de bonnes mères de familles à la compagnie agréable et si elles ont la vocation, des religieuses.

Les pensionnaires doivent être en bonne santé car l’établissement ne souhaite pas voir ses cours décimés par une épidémie. le coût pratiqué pour l’instruction des élèves est mal connu mais peut-être faut-il se fonder sur un tarif oscillant entre 250 et 600 livres par an. Les internes logent dans des dortoirs pouvant atteindre une trentaine de lits. Si ce couvent accepte les filles riches et celles qui le sont un peu moins, elles ne sont pas mélangées afin de ne pas susciter de jalousie.

costume filles deEssai de restitution de la tenue des pensionnaires

Les pensionnaires portent vraisemblablement un uniforme de couleur bleue. La coquetterie, plutôt mal vue est combattue. Les miroirs sont supprimés et on leur demande, au lever comme au coucher, de s’habiller et de se déshabiller le plus vite possible pour éviter toute indécence. En réalité, surtout en hiver, le froid qui règne dans les dortoirs mal chauffés oblige les filles à s’apprêter rapidement pour ne pas geler sur place.

Les jeunes pensionnaires sont théoriquement soumises au même régime de claustration que les sœurs, mais certains aménagements sont toutefois prévus pour alléger leur quotidien. Les demi-pensionnaires, qui habitent en ville et viennent tous les matins suivre les cours au côté des pensionnaires, sont introduites par les tourières, puis une fois la porte refermée, leurs maîtresses se présentent à elles par une issue opposée. Ainsi la religieuse ne risque jamais d’être en contact avec le monde extérieur.

Le couvent et ses propriétés

Le 15 juillet 1690, Claude Ozias, supérieure du couvent, déclare qu’elle est tenue à rente noble directe et foncière envers le prieur de Saint-Vivien mais elle n’en a aucun titre ni contrat, ceux-ci ayant brûlé, dit-elle, pendant les guerres. La communauté possède cependant trois petites maisons, situées en la paroisse Saint-Michel. Les sœurs y logeaient en attendant leur installation dans le couvent. Les religieuses héritent ensuite de quelques bâtiments et terres labourables dont elles payent les dîmes et rentes aux seigneurs de Chadignac, Fief-Gallet à Pessines, au doyen du chapitre de Saintes, aux prieurés de Saint-Vivien et Saint-Macoult. Une propriété leur a été adjugée aux Rabannières par sentence et décret du siège présidial de Saintes le 28 septembre 1641. La communauté possède également deux aires de marais salants, l’une en la prise de Gimeux partagée entre la seigneurie d’Hiers et l’abbesse de Saintes et l’autre en la prise de Tournedos, sur le chenal de Trousson. Elles possèdent d’autres marais, au lieu-dit Piedrouty, paroisse de Saint-Martin de Gua, mouvance de la seigneurie de Marennes.

Elles sont encore propriétaires d’un autre marais sur la Seudre par contrat du 14 août 1683. Les sœurs déclarent qu’il leur est dû, depuis le 31 juillet 1651, la somme de 25 livres de rente par les frères Cordeliers en raison de cession de certains près, situés en la seigneurie d’Orlac, et une maison dans le faubourg Saint-Eutrope, près des Roches, ruinée par les guerres et dont elles ont perdu le contrat.

Tels sont tous les biens, domaines et héritages que possèdent les religieuses des Filles de Notre-Dame. Elles ne jouissent d’aucun bien noble, mais perçoivent les pensions des filles qu’elles instruisent. Vivent au couvent une trentaine de religieuses professes et de chœur dont neuf sœurs laies. S’ajoutent à ce nombre leur confesseur, deux servantes du dedans et deux autres du dehors, appelées tourières ainsi que trois valets qui entretiennent le dit couvent et sont chargés de la décoration de l’église.

Faits divers au couvent

Le 22 février 1739, le procureur du roi informe le lieutenant criminel, Jean Elie Le Mercier, que la fille aînée de feu sieur de Gabaret, pensionnaire au couvent, s’est suicidée en se précipitant dans le puits de la maison.

Une bien pénible affaire, car dans un couvent on ne se suicide pas! Toutes les soeurs entourant la pauvre jeune fille sont persuadées qu’elle s’est jetée dans le puits pour mettre fin à ses jours. On la savait malade et quelque peu dérangée. Jean Elie Le Mercier, en plus de ces témoignages, siganle avoir trouvé sur la margelle une paire de souliers avec des boucles d’argent et une bagnolette de paille ( petite coiffe ancienne). Le médecin François Rivière, en examinant le corps, en déduit qu’elle a environ 18 ans, remarque une légère meurtrissure à la jambe gauche et conclut à une noyade.

Le procureur du roi, vu la requête et le rapport du médecin, décide qu’il s’agit d’un crime d’homicide volontaire et pour instruire la procédure réclame un curateur au cadavre. Il nomme pour la fonction requise Me Jean Degranges, procureur au siège présidial, qui paraît sceptique sur la thèse du suicide. De l’enquête menée par l’homme de loi, il ressort que la demoiselle de Gabaret avait des idées d’évasion et qu’elle avait déjà tentée plusieurs fois de s’échapper du couvent. Et c’est peut-être en cherchant à s’évader, dans la nuit, qu’en grimpant sur un appentis elle a perdu l’équilibre pour tomber la tête la première dans le puits qui se trouve juste en dessous.

Pour statuer dans un pareil cas, il faut fournir des preuves, ainsi que des témoins. Ce qui n’est pas le cas et l’on ne  peut pas certifier que cette jeune personne ne se plaisait pas dans la maison et avait des envies de liberté. Il est impossible de prononcer une condamnation sur de simples présomptions. Mais la conclusion du 25 février 1739 est toute autre : la dénommée de Gabaret est inculpée de suicide par noyade en se jetant volontairement dans le puits. Sa mémoire est alors condamnée à perpétuité et une amende de 100 livres st à verser au roi par la parenté. L’exécuteur de haute justice devra ensuite attacher le cadavre de la pauvre malheureuse sur une claie, la face contre terre, derrière une charrette et traîné par les rues de la ville jusqu’à la place du Palais. Là, elle devra être pendue par les pieds à une potence pour y demeurer jusqu’au soir.

Il semble que cette sentence ne fut jamais exécutée et que l’habile Me Degranges renversa l’accusation en la faveur de la jeune fille. Toujours est-il que le corps de mademoiselle Gabaret fut inhumé dans la cour du Palais.

Décidemment il se passe de drôles de choses dans ce couvent. En septembre 1775, Me Philippe Auguste Vieuille, conseiller du roi, magistrat au siège de Saintes, porte plainte contre le crime d’enlèvement de sa fille pensionnaire au couvent. Dans la nuit du lundi au mardi 19 septembre 1775, Joseph de Fleurant, écuyer, mousquetaire de la garde du roi, ayant une chambre dans la maison du sieur Soutine, dit Langoûmois, rue de la Souche, paroisse Saint-Pierre, décide avec trois de ses complices, vêtus de redingotes, d’enlever Marie-Claude Vieuille  et l’emmène chez lui. Imaginez la stupéfaction de la mère supérieure et des religieuses et surtout la colère du père qui ne demande pas réparation par un mariage, mais fait accuser le mousquetaire de crime; celui-ci sera condamné à mort par contumace.

A la Révolution, certaines sœurs placées très jeunes dans le couvent par leurs parents et n’ayant aucune vocation religieuse, profitent des derniers décrets pour retourner à la vie civile. C’est le cas de Madame Lauzet, ex-religieuse des Sainte-Claire, qui sort définitivement du couvent des Filles de Notre-Dame, où elle avait été transférée en 1787. Cette personne, accusée de légèreté et d’inconvenance par son ancienne supérieure de la rive droite, se trouve de nouveau dégoûtée du cloître. Elle en sort le 18 juillet 1790 en habit du monde, prétendant être maltraitée et même battue par les autres religieuses, ce qui est peut-être exagéré. Elle combine sa sortie. Elle combine sa sortie avec une demoiselle Grelet, un mauvais sujet paraît-il, qui fait les démarches nécessaires auprès de Bernard des Jeuzines pour obtenir un logement avant son départ pour Paris où elle a de la famille. Le révolutionnaire s’empresse de leur accorder une chambre dans sa maison de Saintes. Ainsi les deux ex-nonnes viennent habiter chez ce veuf sans mœurs et chez lequel se rendent tous les jours une douzaines d’officiers jeunes et libertins. Bernard donne alors des soirées en ville et une fête brillante dans sa nouvelle maison de campagne au Plessis, commune de Chaniers en leur honneur et pour leur déshonneur !

Claude Masse négatifs 041 Plan particulier de Saintes F 13Plan de Claude Masse de 1715. Le couvent  est noté 12 sur le plan. La chapelle du couvent est à gauche de l’entrée donnant sur la rue

Le couvent pendant la Révolution

Comme dans tous les autres couvents de la ville, les cloches sont enlevées, le 1er juin 1792, dans la cour de l’hôtel de la commune pour ensuite être fondues à La Rochelle. Le couvent fermé, en décembre 1792, les meubles de la communauté dispersés.

Puis les bâtiments servent de prison. En 1794, 44 personnes sont transférées de Brouage à l’ancien couvent des Notre-Dame qui renferme alors 128 détenus, dont 58 religieuses.

Le 25 septembre 1794, et dans les jours qui suivent, y sont transférés des détenus infirmes venant de l’hôpital de la Charité. Ils sont traités avec sévérité et dureté. Le 9 janvier 1795, 67 personnes emprisonnées, tant pères que femmes d’émigrés, suspects et religieuses de tous les ordres sont libérés. Au 14 mai 1795, il ne reste que 2 prêtres.

L’ensemble des bâtiments est mis en vente. Il est divisé en plusieurs lots, attribués en date du 18 nivose an VI ( 7 janvier 1798), au terme de 5 procès-verbaux d’adjudication de l’administration centrale du département, aux citoyen Lagarosse, Gallochaud, Riondel, Massiou et Soustras.

Le général Muller et sa descendance

Le général Jacques Léonard Muller va jouer un rôle important dans ces transactions en devenant en 1804 le seul propriétaire de l’ancien couvent. Beaucoup de travaux sont effectués dont la disparition probable des grands bâtiments de l’ancien établissement religieux. Le groupe de maisons abritant jadis les parloirs et le pavillon d’entrée devient petit à petit un hôtel particulier, un des plus beaux de la ville, où le général peut couler des jours heureux, avec son épouse et ses deux filles. Les descendants du général Muller restent propriétaires tout au long des décennies suivantes. Marie-Henriette-Louise Boscal de Réals, veuve du petit fils du général, installe dans une partie de sa propriété les Frères de la doctrine chrétienne qui ouvrent leur établissement d’enseignement le 24 septembre 1877. Elle cède ensuite, le 3 janvier 1878, l’essentiel de son terrain, dont celui occupé par l’école, à Marie-Catherine Jamet, en religion sœur Marie-Augustine de la Compassion, supérieure générale de la congrégation des Petite sœur des Pauvres. Celles-ci revendent la parcelle de l’école en 1939.Le 23 juin 1940, les troupes allemandes arrivent à Saintes. les autorités ennemies mettent en place une Kommandantur d’arrondissement, de laquelle dépendent un service de surveillance et un service de maintien de l’ordre, feldgendarmerie, qu’elles installent dans ce qui reste des anciens locaux du couvent des Notre-Dame.Il semble que le baron Von Buddenbrock soit l’un des responsables de la Kommandantur de Saintes, car il signe plusieurs avis concernant la réglementation de la ville.

Le 27 mai 1946, la veuve de Louis Boscal de Réals de Mornac vend l’ancien hôtel du baron Muller et son parc, rue du général Sarail ( rue des Notre-Dame jusqu’en 1929), à la ville de Saintes qui y installe un centre médico-social, aujourd’hui fermé, et l’école maternelle Emile-Combes en 1959, transférée depuis l’emplacement de l’ancienne école des Frères de la doctrine chrétienne, rachetée par la mairie en 1982.

Architecture du couvent

Dans un acte de 1634, l’architecte Guillebot commande des pierres et des douelles pour le couvent en construction. Séparé du monde extérieur par de hauts murs, le couvent dispose d’une chapelle qui se compose d’une nef rectangulaire, d’une abside et d’un espace réservé aux religieuses, séparé du chœur par de hautes grilles. Pour la célébration du culte, les sœurs obtiennent le privilège habituel : sonnerie de cloches, aumônier particulier et confesseur attachés à la communauté. Cette chapelle se situe en bordure de rue, contigüe au portail d’entrée. Une petite cour donne accès aux parloirs du dehors et du dedans. Une autre porte permet d’arriver dans la grande cour où s’élève le grand bâtiment en équerre avec au rez-de-chaussée, les cuisines, le réfectoire et aux étages les dortoirs. A l’extrémité du bâtiment se trouve, côté rue, le cloître. Des dépendances s’éparpillent dans un grand jardin planté d’arbres fruitiers. L’ensemble du couvent s’étend sur quatre journaux ( environ 1,3 ha).

Après 1804, le général Muller effectue beaucoup de travaux qui entraînent probablement la disparition des grands bâtiments de l’ancien établissement religieux. Le groupe de maisons, abritant jadis les parloirs et le pavillon d’entrée, devient petit à petit un hôtel particulier, un des plus beaux de la ville.

Patrice Gerbois et le groupe de recherche sur les couvents saintais disparus, publié dans le bulletin SahCM n°45 de 2018 disponible à la vente à la SahCM, 8 rue Mauny à Saintes

Journées Européennes de l’archéologie 2020.

JEA

La Société d’archéologie et d’histoire de Charente-Maritime participe aux « journées Européennes de l’Archéologie ».

Cette participation prendre cette année une forme inhabituelle dictée par les circonstances actuelles ( Covid oblige).

La présentation de quatre monuments antiques et un médiéval sera « numérique » sur notre site à la rubrique JEA et sur notre page facebook… occasion pour cette vieille dame qu’est notre société de montrer qu’elle sait « vivre avec son temps »..

Chaque monument est présenté par un article et de  une modélisation 3D, issue d’une photogrammétrie. Il s’agit de : l’arc de Germanicus, les sources de l’aqueduc ( la Grand-Font, la Font Morillon), les thermes de Saint-Saloine, et l’église de St Eutrope.

Le travail de photogrammétrie est réalisé par Vincent Miailhe , archéologue et adhérent de la SahCM

Résultat scientifique du diagnostic archéologique de l’Inrap autour de l’église Saint-Eutrope

Dans le cadre du projet de réhabilitation et de mise en valeur de l’église Saint-Eutrope, la ville de Saintes a fait une demande de diagnostic archéologique , en vue de l’étude sanitaire du monument, dirigée par Christophe Amiot (ACMH) et le cabinet d’architectes SUNMETRON.

L’intervention archéologique, sous la direction d’Adrien Montigny (INRAP), s’est déroulée du 14 mai au 1er juin 2018. L’équipe était constituée de cinq archéologues, dont trois membres du Programme Collectif de Recherches sur Saint-Eutrope dirigé depuis 2016 par Christiane Gensbeitel (Vincent Miailhe, Adrien Montigny et Jean-Paul Nibodeau).

SaintEutropeOrtho-image du chevet nord issue de la photogrammétrie de Vincent Miailhe

Joyau de l’art roman en Saintonge, c’est au XIIe siècle que l’église est achevée par les Clunisiens. Au XVe s. une chapelle gothique se greffe sur le chevet roman, et le bras nord du transept est reconstruit pour supporter le clocher flamboyant. La nef est démolie en 1803 en raison de son état de délabrement. Une nouvelle façade de style néo-roman est érigée une trentaine d’année plus tard, cette construction englobe aussi le bras sud du transept supprimant le clocher roman de la croisée du transept. Aujourd’hui, de l’église , il ne reste que le chœur et le bras du transept. Cet ouvrage s’intègre dans un complexe abbatial, dont l’origine remonte au VIe s. dédié à la mémoire d’Eutrope premier évêque de Saintes.

L’emprise du diagnostic se positionne à l’emplacement de la nef de l’église à trois vaisseaux, se situant sous le parking actuel, aux abords du chevet et dans la crypte. Dix neuf sondages ont été ouverts dans ces trois secteurs, neuf ont été relevés par photogrammétrie et ils sont présentés dans le modèle 3D https://skfb.ly/6RRDV afin de permettre au lecteur une meilleure compréhension de la stratigraphie du site.

StEutrope_Niv-1Plan des sondages archéologiques réalisés par l’Inrap en mai/juin 2018 – DAO Vincent Miailhe

Le premier constat est l’excellent état de conservation des vestiges mis au jour lors de notre intervention. Le second est la densité de ces vestiges ne permettant pas toujours d’atteindre le substrat rocheux et de ce fait, d’observer dans son intégralité la séquence stratigraphique du site. Ces vestiges correspondent essentiellement à des structures funéraires et des maçonneries s’échelonnant de l’Antiquité tardive au XIXe s.

Si la présence d’une nécropole du haut Moyen Age est connue par l’historiographie et les observations des années 80 lors de travaux de voirie, ce diagnostic a bien confirmé sa présence et il a permis de mieux en estimer l’étendue. La nécropole est présente sur toute la partie septentrionale du site (Tr. 2, 3 et 15) et quelques éléments subsistent dans le vaisseau de l’église (Tr. 17). La plupart des sépultures antérieures à la construction de l’église romane sont des sarcophages monolithes avec leur couvercle et présentent une grande organisation dans leur alignement comme on peut l’observer à l’extrémité nord de la tranchée 3, aucune de ces sépultures n’a été fouillée. L’architecture funéraire change après le haut Moyen Age, le sarcophage monolithe laisse sa place à la sépulture en coffre, pleine terre ou bien cercueil en bois, élément qu’on observe à l’intérieur de la crypte. L’occupation funéraire semble se poursuivre jusqu’au XVIIIe s. sans hiatus.

St Eutrope Tr18-Coupe1_50Othophoto de la demi-colonne engagée de la nef sur le mur gouttereau sud de la nef (Tranchée 18)

Le parvis actuel a bien entendu livré des vestiges de nef disparue au début du XIXe s. Les murs gouttereaux des collatéraux nord (Tr. 14, 15 et 16) et sud (Tr. 17 et 18) ont pu être observés dans ces sondages et ils permettent de dresser un plan de l’édifice roman. Certains de ces vestiges étaient connus par d’anciennes interventions. C’est le cas du plan de l’église relevé en 1716 par Claude Masse, puis en 1880, par l’abbé Ludovic Julien-Lafferrière, la mise au jour du mur gouttereau sud avec l’appui d’un cliché photographique. Les sondages sur l’actuel parvis ont permis d’affiner le plan et, élément qui ne figure pas sur le plan de 1716, d’apporter des informations d’ordre altimétrique. En effet, la particularité de cet édifice réside dans l’organisation de ses espaces de circulation entre le chœur, la nef et la crypte qui sont à des niveaux différents, la nef étant sur un plan intermédiaire. Outre les éléments liés à l’église romane et au contexte funéraire, des maçonneries ont été mises au jour dans la tranchée 17 ; elles sont antérieures à la construction du XIIe s. mais restent dans une fourchette chronologique large comprise entre l’antiquité tardive et le haut Moyen-Âge.

St-Eutrope Detail-PlanMasseDétail de l’église Saint-Eutrope sur un plan de Claude Masse de 1716

La crypte, ce remarquable édifice de la fin du XIe s. est divisé en trois vaisseaux et un déambulatoire qui s’ouvre sur trois chapelles. Elle est dotée aussi d’un vaste transept dont l’accès se fait par le bras nord de ce dernier en raison de la destruction de la nef centrale. Un programme de remise en service de son entrée d’origine avait été lancé au cours du XIXe s. mais est resté inachevé. Cet espace, l’avant crypte, est une pièce non accessible au public pour des raisons de sécurité, situé sous le parking, donc dans la nef centrale. Trois sondages (Tr. 10 à 12) ont été implantés afin d’apporter des informations relatives à la circulation entre la nef et la crypte. Si la densité des vestiges nous a compliqué la tâche lors de ces trois semaines d’étude, ça n’a pas été le cas à l’intérieur de la crypte où le substrat apparait à moins de 20 cm du sol actuel (Tr. 9). Néanmoins quelques structures fossoyées subsistent dont certaines sont attribuées à des sépultures et d’autres en relation avec la construction de la crypte. Quant aux sondages de l’avant crypte, ils permettent de confirmer que l’accès à la crypte se faisait par la nef centrale en empruntant une rampe entaillée dans le rocher (Tr. 10)

On note la présence d’une imposante maçonnerie dans la tranchée 3 pouvant être associée à l’édifice circulaire figuré sur le plan de 1716. Un sondage complémentaire a été réalisé par Jean-Luc Piat dans le cadre du PCR ( voir l’article de notre site : découverte d’une chapelle funéraire à Saint-Eutrope de Saintes).

Ce diagnostic apporte de nombreuses informations mais aussi de nouveaux questionnements à la fois sur le monument et sur l’occupation du site au sens large. Les réponses ne se trouvent pas dans cette opération de diagnostic, des études plus approfondies seront sans doute nécessaires pour mieux connaître l’histoire du site de Saint-Eutrope.

Vincent Miailhe

Pour visualiser le modèle 3D de la façade romane : https://skfb.ly/6zSuU et des sondages archéologiques : https://skfb.ly/6RRDV

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Saintes, rue Bernard.

Saintes, rue Bernard.

Jean-Philippe Baigl

Avant la construction du projet d’extension de l’EHPAD de la Providence à Saintes, un diagnostic archéologique réalisé en 2012 avait permis d’identifier plusieurs phases d’occupation depuis la période antique jusqu’à l’Epoque moderne, donnant ainsi lieu à une campagne de fouille ( fig.1). Effectuée par une équipe d’une dizaine d’archéologues de l’Inrap cette opération a débuté le 13 janvier 2014 pour se terminer au mois d’août.

FProvidence Fig 1

Figure 1 – Vue générale de la fouille lors du décapage des niveaux antiques (cliché G. Lavoix)

D’une superficie de 2 500m², l’emprise de la fouille occupe le bord oriental du promontoire qui domine le cœur ancien de la ville de Saintes.

Les nombreuses découvertes effectuées dans ce quartier depuis la fin du XIXè siècle témoignent d’une densité importante de vestiges remontant aux origines de la ville. Toutefois, hormis les opérations préalables à la construction de l’hôpital Saint-Louis dans les années 1970, aucune fouille préventive d’envergure n’avait été réalisée dans le centre de la cité antique. Cette opération offre donc l’opportunité d’obtenir des données inédites sur les origines de la ville, les prémices de son urbanisation, le développement et l’évolution de la trame urbaine depuis l’Antiquité jusqu’à l’Epoque moderne, ainsi que sur l’histoire des fortifications de la ville et de son château.

Les niveaux anciens

Les vestiges les plus anciens concernent des traces fugaces d’occupation de la fin de l’Âge de Bronze ou au début de l’Âge du fer : il s’agit le plus souvent de tessons de céramique retrouvés de manière erratique au sein des occupations postérieures ou au niveau du paléosol. Les premières structures organisées concernent des constructions sur poteaux ou sablières présentes sur toutes les zones explorées exhaustivement, indiquant une occupation du secteur vers le milieu du 1er siècle av. J.-C ( à confirmer par l’étude non encore effectuée du mobilier). La structuration de l’espace par niveaux de circulation apparaît à l’époque augusto-tibérienne conjointement à la densification de l’occupation.

Un îlot urbain du Ier au IIIè siècle.

Les recherches ont révélé l’existence d’un îlot urbain situé à l’angle de deux rues ( fig.2), toutes deux bordées par un égout et un portique; ce trottoir couvert est séparé de la rue par une colonnade. les recharges successives de galets, silex ou fragments de tuiles qui constituent les niveaux de circulation de la voie témoignent d’une utilisation fréquente et ancienne. La voie est-ouest parait secondaire à celle d’axe nord-sud qui doit correspondre au cardo qui, en se prolongeant vers le nord, dessert les thermes de Saint-Saloine d’un côté et de l’autre un quartier périphérique antique, objet d’une fouille fin 2013 rue Daniel Massiou.

Le bâtiment dégagé à l’angle des deux rues montre de grands espaces rectangulaires voués en partie à une activité artisanale ( travail des métaux) et peut-être aussi commerciale. Un autre ensemble séparé du premier par une cour a été dégagé plus à l’est. Une pièce donnant sur la voie décumane dessert une composition monumentale dégagée seulement partiellement et qui montre notamment une pièce à abside richement ornementée ( placage de marbre, pilastres moulurés,….).

Providence plan fig2

Figure 2 – Plan schématique des principaux vestiges du Ier au IIIè s, ap.J.-C. ( J.-P.Baigl, G. Lavoix, P.Neuvy, J.-S.Torchut, Inrap)

La construction du rempart ( fin du IIIè s./début du IVè siècle)

L’organisation de l’îlot urbain perdure jusqu’au IIIè s. pour disparaître lors de la construction de l’enceinte urbaine vers la fin du IIIè siècle vraisemblablement. Le tracé du rempart, encore visible à l’angle de la rue Bernard et de la place du 11 Novembre, se poursuit vers le nord , sous le parking le long du mur de clôture occidental de la Providence, qui constitue la limite de la fouille, la situant ainsi à l’intérieur de l’enceinte.

L’îlot est progressivement détruit comme la plupart des monuments anciens de la ville ( édifices publics, temples, mausolée,…) avec une récupération des matériaux qui serviront à la construction de la fondation du rempart. Plusieurs blocs d’architecture, colonnes essentiellement, ont été découverts lors de l’exploration.

Le rempart n’est pas visible sur la fouille puisqu’il se situe quelques mètres plus à l’ouest donnant donc l’opportunité d’étudier les abords immédiats de l’intérieur de l’enceinte. Un talus interne adossé au pied de la fortification a ainsi pi être identifié.

La réorganisation de la ville à l’époque médiévale

Cette zone zone au pied du rempart restera vierge de toute construction jusqu’au VIIIè/Xè siècle. A partir de cette période qui peut s’étendre jusqu’au XIIè siècle, l’espace vraisemblablement voué à des jardins est percé d’une multitude de fosses( silos, latrines, dépotoirs) indiquant une toute proche occupation : l’analyse du matériel permettra peut-être de savoir s’il s’agit d’un habitat civil ou des phases anciennes du château ( fig. 3).

Providence plan fig3

Figure 3 – Plan synthétique de l’occupation médiévale (J.-P. Baigl, G.Lavoix, P. Neury, J.-S. Torchut, Inrap)

Des voies se dirigeant vers l’angle nord-ouest du site témoignent probablement d’un accès à celui-ci. Si aucune construction n’a été observée dans ce secteur en liaison avec les fosses, à partir du XIIIè s.se développe un bâti avec des constructions de diverses qualités. Au sud et à l’ouest, des bâtiments sont élevés en moellons montés à la terre ( fig.3, A-B-C-D-E), alors qu’au centre de l’espace un bâtiment en pierres de taille liées au mortier de chaux est élevé sur un cellier semi-enterré ( fig.3, F.G). Ce dernier subit une reconstruction totale avec une extension vers l’ouest avant d’être abandonné dans le courant du XIVè s. comme semble-t-il, le reste du terrain sous réserve de l’étude complète du mobilier céramique.

Providence

Vue vers le nord-ouest, d’une des tours du château et de son escarpe talutée. A droite, l’escarpe a été détruite par une carrière moderne (cliché J-P Nibodeau Inrap).

Jean-Philippe Baigl, archéologue INRAP, responsable de la fouille donnera une conférence sur ce thème quand nous serons sortis de l’urgence sanitaire actuelle.

Article publié dans le bulletin SahCM n°42 de 2015 disponible à la vente sur ce lien

Diagnostic archéologique et mise en valeur du château de Bouteville

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Suite à la conférence de Jean-Paul Gaillard sur le château de Bouteville, le 22 février 2020, puis de la sortie organisée par la SahCM pour ses adhérents le 7 mars 2020 ( voir l’article dans la rubrique : « sorties » du site), Vincent Miailhe , archéologue et topographe à l’INRAP, partage la photogrammétrie (3D) de son intervention sur le château avec Adrien Montigny, archéologue à l’INRAP, lors d’un diagnostic archéologique réalisé en 2019. Ce diagnostic a permis de mettre au jour le donjon roman et d’autres éléments de la fortification médiévale, enceinte et piles du pont levis.

Un château, près de 2000 ans d’histoire

Le château de Bouteville a été l’une des plus importantes places fortes de Charente au Moyen-Âge et l’un de ses plus fastueux château au XVIIème siècle. Occupée dès la fin de l’époque gallo-romaine, la colline de Bouteville est fortifiée dès le Xème siècle. Le château du Moyen-Âge sera démoli pendant les Guerres de religion, reconstruit sous la Renaissance, achevé vers 1624 et deviendra une prison en 1794. Il est délaissé au XIXème siècle. Classé au titre des Monuments Historiques depuis 1984. Le château bénéficie aujourd’hui de travaux de consolidation , de restauration et de valorisation grâce à l’engagement de la Communauté d’agglomération de grand Cognac,  de la commune de Bouteville, au soutien de la Fondation du Patrimoine et de la mission Bern, ainsi que de la participation de l’association de Sauvegarde du Patrimoine de Bouteville.

Diagnostic archéologique de l’INRAP en 2019

Dans le cadre du projet de restauration et de mise en valeur du château de Bouteville par le communauté d’agglomération du grand Cognac, un diagnostic archéologique, dirigé par Adrien Montigny (INRAP), a été réalisé à l’intérieur de l’enceinte du château. Le premier château aurait été établi par les comtes d’Angoulême au début du Xème siècle, pour se protéger des invasions Normandes. Le château subira de nombreuses transformations au cours de la période médiévale et il sera durement abîmé pendant les guerres de religion. Un nouveau château sera construit mais il restera inachevé. Le château actuel est composé de 3 corps de bâtiment du XVIIème siècle autour d’une cour-terrasse et il ne conserve que peu d’éléments médiévaux visibles en élévation mis à part la topographie du terrain. L’intervention a permis de mettre à jour certains éléments du château médiéval dans plusieurs sondages, tels que le donjon (Tr.6 et 14), un glacis et le premier fossé (Tr.8) et une entrée dotée d’une barbacane (Tr.9).

Bouteville Inrap

L’archéologue et topographe Vincent Miailhe a réalisé une image 3D de son intervention sur le château de Bouteville à découvrir sur ce lien.

Extrait des « Cahiers de l’aqueduc n°1 »

Peinture de Bourignon – Le vallon des ArcsPeinture de Bourrignon : Le Vallon des Arcs

MEDIOLANUM, le chef-lieu de la cité des Santons et ses aqueducs

par Jean-Louis Hillairet

Les origines romaines de Saintes semblent, d’après Louis Maurin, correspondre au premier gouvernement du corégent d’Auguste, Agrippa vers 40 à 37 av. J.-C, et font suite au lancement du schéma routier, dont la première des quatre voies principales partait de Lyon et aboutissait chez les Santons. L’étude architectonique des blocs monumentaux Augustéens et Julio-Claudiens de Mediolanum ( Saintes) montre que ceux-ci n’ont pas d’équivalent en Aquitaine, ce qui incite les scientifiques à penser que cette ville fut la première capitale de cette nouvelle province. Vaste territoire qui s’étendait depuis les abords de la Loire jusqu’aux Pyrénées, elle englobait la plus grande partie du Massif Central. Il est raisonnable de penser, au vu de l’importance des travaux, que c’est ç ce moment, que les Romains décident, grâce à leur maîtrise technologique, de construire un aqueduc pour desservir la ville en eau potable. L’eau représente dans l’antiquité un élément important du confort urbain. Les capitaux que sa construction nécessite manifestent la richesse de la cité.

A cette époque, un premier aqueduc voit le jour, depuis la source de la « Font-Morillon » sur la commune de Fontcouverte, jusqu’aux thermes de Saint-Vivien, construits au bord de la Charente.

Sur le parcours, plusieurs ouvrages de qualité ont été réalisés: le pont-aqueduc du vallon des Arcs, long de 160m avec ses 27 arcades, puis la galerie du « Plantis des neuf puits », creusée sur une longueur de 500m à 17m de profondeur, enfin un autre pont-aqueduc à « Hautmont » long de 400m qui comprenait 62 arches et atteignait 29 m de hauteur. Cet aqueduc devait avoir, d’après A. Triou, un débit de 3000m³/jour.

Planche Claude MassePlanche de Claude Masse : le pont-aqueduc du vallon des arcs et le tunnel du Plantis des neuf puits en haut et le pont-aqueduc de Haumont en bas

C’est ainsi, qu’un nouvel établissement thermal est construit à Saint-Saloine pour répondre à l’augmentation de la population. A cette occasion, il faut revoir le débit de l’aqueduc qui est trop faible. Ainsi voit le jour un nouvel aqueduc réunissant les eaux des sources des communes du Douhet et de Vénérand, qui double le parcours du premier aqueduc à partir de la source de Fontcouverte, et permet sans doute d’additionner ses eaux aux deux autres. Le débit ainsi cumulé du nouvel aqueduc pouvait atteindre environ 10 000m³/jour. Ce nouvel itinéraire a permis de réutiliser, après des modifications de hauteur, les ouvrages d’art du premier aqueduc, diminuant ainsi le coût de la construction.

Les aqueducs de Saintes possèdent différents types d’ouvrages. Tout d’abord en leur point de départ, les captages des sources, et leur arrivée, les thermes. Entre ces deux points, il existe un conduit qui a été réalisé soit en tranchées, soit en tunnels, soit en galeries construites hors sol. Puis, lorsqu’il doit franchir un vallon et une vallée, ce conduit passe soit sur un mur-pont, soit sur un pont-aqueduc, voire, pour le franchissement de la vallée de la Charente, par le biais d’un siphon muni d’ouvrages spécifiques ( réservoirs de chasse et de fuite). Un autre ouvrage remarquable est le bassin de jonction des deux aqueducs de Vénérand et du Douhet, celui-ci possédant un système d’évacuation des eaux, en souterrain, assez complexe.

Les recherches effectuées depuis 2003 ont permis de mettre au jour d’autres ouvrages inédits, tels que le croisement de deux aqueducs à l’emplacement d’un talweg de vallon, des systèmes de délestage d’eau, des mur-ponts, la jonction entre la sortie d’un tunnel et le début d’une tranchée et surtout un troisième aqueduc plus tardif.

Galerue des neufs puits J. TriouLa galerie des neuf puits, photo de J. Triou

Extrait publié par la SahCM en 2008 dans  » les cahiers de l’aqueduc n°1  » (épuisé)

Les autres cahiers sont toujours disponibles à la vente :

Les cahiers de l’aqueduc n°2

Les cahiers de l’aqueduc n°3

Les cahiers de l’aqueduc n°4

Découverte d’une chapelle funéraire à St Eutrope de Saintes.

Visite Piat

Dans le cadre du Programme Commun de Recherches sur Saint-Eutrope de Saintes, mené depuis 2017 par Christian Gensbeitel, maître de conférence à l’université Montaigne Bordeaux III, Jean-Luc Piat, archéologue de la société Eveha a réalisé en deux jours une fouille programmée le long du chevet nord de la basilique Saint-Eutrope. L’objectif était de retrouver et de comprendre les vestiges d’un bâti circulaire représenté sur un plan de Claude Masse daté de 1715 et sur une estampe de Félix Benoist au XIXe siècle.

Une chapelle funéraire

Ce bâtiment circulaire est représenté sur le plan de Claude masse en 1715 à proximité du chevet de Saint-Eutrope, sans aucune indication sur sa destination. La fouille a permis d’en retrouver les fondations et de les étudier.Cette tour avait un diamètre de 5,30 mètres. Le mur intérieur concave indique la présence d’une voûte en coupole. Jean-Luc Piat estime la hauteur d’origine de cette salle à 5, 70 mètres et la hauteur de la tour à une quinzaine de mètres. L’analyse de l’ensemble permet à l’archéologue de donner une première estimation de datation entre le XIIe et le XIXe siècle. La datation pourra être affinée en post-fouille avec l’étude du mobilier archéologique.

La topographie du lieu, contre le chevet et dans l’enceinte du cimetière médiéval, la similitude de la configuration avec la lanterne des morts de Sarlat, une chapelle sépulcrale de la fin du XIIe, située dans le cimetière saint-Benoit, derrière le chevet de la cathédrale Saint-Sacerdos, mène Jean-Luc Piat à penser que ce bâtiment pourrait être une chapelle funéraire. Le plan centré représenterait symboliquement le tombeau du Christ.

Afin de ne pas perturber les messes des pèlerins de Compostelle qui avaient lieu toutes les heures dans l’église basse de la basilique, les moines auraient construit cette chapelle secondaire afin d’assurer les messes funéraires, et gérer les inhumations du cimetière.

Sarcophages mérovingiens et médiévaux

La chapelle funéraire est située dans l’enceinte du cimetière médiéval. La parcelle fouillée a également mis au jour quatre sarcophages de différentes époques. Le chevauchement des différents éléments permet de les hiérarchiser . Les deux plus anciens sont mérovingiens car situés sous les remblais de la fin du XIe siècle ( celui du creusement de la crypte), Jean-Luc Piat les estime entre le VIIe et le Xe siècle. Ils ont été coupés lors de la construction de la chapelle funéraire. Un troisième sarcophage a été creusé dans les remblais du XIe siècle, l’archéologue l’estime donc entre le XIIe et le XIVe siècle. Un quatrième sarcophage a été installé le long de la maçonnerie de la tour, l’archéologue en déduit qu’il est postérieur à la construction de la chapelle. Le choix a été fait de ne pas approfondir les recherches sur ces inhumations, par manque de temps et parce que l’objet des recherches était la chapelle. L’intérieur des sarcophages n’a pas été fouillé.

La réoccupation du début du XIXe siècle

Un immeuble a été construit sur l’emplacement de la chapelle au début du XIXe siècle, sous Napoléon Ier. Le dallage visible à l’intérieur du bâti circulaire est le plafond d’une fosse d’assainissement aménagée dans la chapelle. C’est dans ce bâtiment que se trouvait la célèbre boulangerie Boulestier jusqu’aux années 1970 avant de déménager à son emplacement actuel. C’est en 1977 que le bâtiment sera rasé et les vestiges de la chapelle recouverts.

Article de Romain Charrier , publié avec l’accord de Jean-Luc Piat, archéologue ( Eveha).