Écrit par Jean-Louis Hillairet
La source de la « Grand-Font ».
Le site est accessible en 3D au lien suivant : https://skfb.ly/6zFoL. Pour visualiser le modèle 3D : clic gauche maintenu avec le bouton de la souris pour la rotation, clic droit maintenu pour les translations et la molette pour avancer et reculer – Pour les tablettes et smartphones, un doigt pour faire tourner, deux doigts fixes pour les translations et doigts écartés/rapprochés pour zoomer.
La source de la Grand-Font, située sur la commune de Le Douhet, date de la construction du deuxième aqueduc qui a alimenté en eau vive la ville Saintes, au milieu du premier siècle de notre ère.
Plan de la source « sanctuaire » de la Grand-Font – DAO V. Miailhe
L’entrée et l’escalier
Les installations antiques comprennent tout d’abord une plate-forme d’entrée, recouverte à son origine par des dalles calcaires et protégée par une toiture. À partir de cette plate-forme d’entrée, se développe un escalier monumental, creusé dans le substrat calcaire et descendant vers l’aqueduc. Celui-ci est fermé par un mur qui comporte une porte. Les marches ont également reçu un dallage calcaire. Cet escalier est bordé par des murs latéraux avec un parement interne et externe de moellons parfaitement calibrés, jointés au fer. Sur le côté extérieur des murs, se trouvait un caniveau. Celui-ci recueillait les eaux de la toiture, montrant ainsi que l’escalier devait être également couvert, sans doute dans le prolongement de celle de la plate-forme.
Escalier monumental descendant aux aménagements de la source
Le bassin de décantation (1)
À l’arrière de la porte, en bas de l’escalier, se trouve un bassin quadrangulaire de décantation réalisé en béton antique. Il correspond à un carrefour horizontal et vertical, lien entre les galeries naturelles retaillées, pour mettre en place le conduit de l’aqueduc et les aménagements antiques. Au-dessus du bassin, les parois, nord et ouest, ont été laissées brutes de taille, alors que les parois, sud et est, ont fait l’objet d’un habillage en petit appareil de moellons, qui vient recouvrir les failles de la paroi rocheuse, ce qui dénote selon nous une recherche d’esthétisme avérée. Ce bassin a subi des modifications au cours des siècles.
Au XVIIIe siècle, le châtelain de Le Douhet, a commandité la remise en service de l’aqueduc antique, en réalisant, un conduit reliant les galeries amont et aval, alors qu’elles n’étaient pas liées dans l’Antiquité. En-dessous, apparaît un aménagement de pierres sèches, formant un angle de murs qui reprend les parties disparues du bassin antique.Ces éléments forment ainsi un nouveau bassin d’époque médiévale. Ces murs reposent sur un niveau de bois taillés et assemblés, posés à l’horizontale datable du haut moyen-âge.
La salle supérieure (2)
Surplombant le bassin de décantation, une salle de forme trapézoïdale a été réalisée autour d’un puits de section carré. Celui-ci est ceinturé sur trois côtés par des murets, eux-mêmes bordés par des caniveaux réalisés en pierres calcaires. Sur ces mêmes côtés, se trouvent des trottoirs en béton, de largeurs distinctes, dont la surface lissée est en pente en direction des caniveaux. Le côté non muni de rigole, se situe au-dessus du linteau de la porte de l’escalier et correspond au mur de séparation entre le bassin de décantation et l’escalier. Il a une largeur de 50 cm avec un parement externe et interne de moellons, ce qui indique qu’il était visible de l’extérieur. Les caniveaux traversent ce même mur, pour se prolonger vers la plate-forme d’entrée longeant l’escalier par l’extérieur. Cette salle disposait d’une toiture couvrant le bassin de décantation et protégeant ainsi la source des eaux souillées. En revanche, les trottoirs n’étaient pas couverts.
Salle supérieure
Le tunnel de départ vers Saintes (3)
Partant du bassin de décantation, à gauche de l’escalier, se trouve la galerie aval qui se dirige vers le château de Le Douhet et vers Saintes. Elle correspond pour la partie inférieure à la rivière souterraine et sa partie supérieure présente un creusement formant une voûte. Dans ce tunnel, le conduit antique de l’aqueduc est réalisé par des blocs monolithes taillés en forme de U mis bout à bout. Au-delà de cette section qui représente 70 m de longueur, un blocage de pierre de taille, réduit l’accès au passage de l’eau.
Le tunnel d’accès à la source
En amont du bassin de décantation la galerie, longue de 18,5 m, menant au captage de la source se situe quasiment dans l’axe de l’escalier. Sa partie inférieure correspond au lit de la rivière souterraine. À mi-hauteur, les parois sont taillées verticalement jusqu’au plafond voûté. Dès l’entrée du tunnel, le long de la paroi ouest, il existe un cheminement latéral qui permet d’atteindre l’extrémité de la galerie souterraine. Le conduit antique est constitué de 13 blocs monolithes calcaires, taillés en forme de U et mis bout à bout. Sur la face supérieure et de chaque côté des blocs, des trous de louve ont été creusés en leur centre, pour permettre leur déplacement. À chaque extrémité de ces blocs, deux gorges sont placées face à face, de manière à recevoir un béton rose assurant l’étanchéité entre eux. À l’époque antique, l’ensemble du conduit est recouvert de dalles de couverture, permettant un cheminement vers la source sur la largeur globale de la galerie.
Galerie et conduit reliant la source au bassin de décantation
Le captage d’une exsurgence (4)
À l’extrémité du conduit, le bassin antique de l’exsurgence, de forme quadrangulaire, est creusé dans le substrat rocheux. Sur la paroi nord de cet espace, une niche est creusée avec soin dans le rocher sur 50 cm de profondeur. La partie supérieure a été taillée en plein cintre. On peut vraisemblablement voir ici, un emplacement pour abriter la représentation du dieu local, posée sur un socle.
Captage de la source de la Grand-Font
Le puits
Au-dessus et à l’aplomb du bassin de la résurgence, un puits taillé dans le substrat permet de rejoindre la surface terrestre. À l’extérieur, le puits est ceinturé par quatre murs qui ont dû supporter une toiture. À la base des murs nord et sud, trois emplacements de poutrage sont visibles.
Dans la partie inférieure du puits, on observe sur les parois et de façon opposées, deux séries d’encoches, non contemporaines. Ces encoches correspondent à l’emplacement de poutres (5). La première série présente quatre creusements ayant reçu deux poutres, qui laissent entre elles un passage central. La deuxième série, plus récente, compte six encoches pouvant recevoir trois poutres, ce qui laisse entre elles deux passages. Nous pouvons associer à ces dernières, les mêmes négatifs de poutrage que nous observons dans la partie supérieure du puits et parfaitement positionné à l’aplomb de celles de la partie inférieure. L’hypothèse qui nous vient à l’esprit pour expliquer une telle installation est la présence d’une chaîne à godets.
Hypothèse de restitution du puits et de la chaîne à godets – DAO Jean-Louis Hillairet
La remontée d’eau à la surface avait pour but sa distribution, on peut penser que celle-ci avait également un pouvoir sacré pour les Anciens. Nous suggérons un système de roue à godets, bien connu à l’époque antique et relaté par Vitruve. Concernant la réception de l’eau en surface, on peut émettre l’hypothèse de la présence d’un ou de plusieurs bassins monolithes de stockage (auge), posés à même le sol, aujourd’hui disparus.
Jean-Louis Hillairet, archéologue
Le site est accessible en 3D au lien suivant : https://skfb.ly/6zFoL.
Recommandation pour naviguer à l’intérieur des modèles 3D : clic gauche maintenu avec le bouton de la souris pour la rotation, clic droit maintenu pour les translations et la molette pour avancer et reculer. Avec une tablette ou un smartphone, un doigt pour faire tourner, deux doigts fixes pour les translations et deux doigts écartés/rapprochés pour reculer ou avancer. Les annotations en bas de la fenêtre et les pastilles placées sur le modèle 3D vous permettent de suivre un cheminement défini et d’obtenir des commentaires supplémentaires, pour cela il suffit de cliquer sur les flèches ou directement sur les pastilles. Le descriptif du monument ou de l’opération archéologique est placé en dessous du modèle 3D.
Restitution de la source « sanctuaire » de la Grand-Font de Le Douhet par Bruno Guighou, selon l’hypothèse de Jean-Louis Hillairet