Dans le cadre du Programme Commun de Recherches sur Saint-Eutrope de Saintes, mené depuis 2017 par Christian Gensbeitel, maître de conférence à l’université Montaigne Bordeaux III, Jean-Luc Piat, archéologue de la société Eveha a réalisé en deux jours une fouille programmée le long du chevet nord de la basilique Saint-Eutrope. L’objectif était de retrouver et de comprendre les vestiges d’un bâti circulaire représenté sur un plan de Claude Masse daté de 1715 et sur une estampe de Félix Benoist au XIXe siècle.
Une chapelle funéraire
Ce bâtiment circulaire est représenté sur le plan de Claude masse en 1715 à proximité du chevet de Saint-Eutrope, sans aucune indication sur sa destination. La fouille a permis d’en retrouver les fondations et de les étudier.Cette tour avait un diamètre de 5,30 mètres. Le mur intérieur concave indique la présence d’une voûte en coupole. Jean-Luc Piat estime la hauteur d’origine de cette salle à 5, 70 mètres et la hauteur de la tour à une quinzaine de mètres. L’analyse de l’ensemble permet à l’archéologue de donner une première estimation de datation entre le XIIe et le XIXe siècle. La datation pourra être affinée en post-fouille avec l’étude du mobilier archéologique.
La topographie du lieu, contre le chevet et dans l’enceinte du cimetière médiéval, la similitude de la configuration avec la lanterne des morts de Sarlat, une chapelle sépulcrale de la fin du XIIe, située dans le cimetière saint-Benoit, derrière le chevet de la cathédrale Saint-Sacerdos, mène Jean-Luc Piat à penser que ce bâtiment pourrait être une chapelle funéraire. Le plan centré représenterait symboliquement le tombeau du Christ.
Afin de ne pas perturber les messes des pèlerins de Compostelle qui avaient lieu toutes les heures dans l’église basse de la basilique, les moines auraient construit cette chapelle secondaire afin d’assurer les messes funéraires, et gérer les inhumations du cimetière.
Sarcophages mérovingiens et médiévaux
La chapelle funéraire est située dans l’enceinte du cimetière médiéval. La parcelle fouillée a également mis au jour quatre sarcophages de différentes époques. Le chevauchement des différents éléments permet de les hiérarchiser . Les deux plus anciens sont mérovingiens car situés sous les remblais de la fin du XIe siècle ( celui du creusement de la crypte), Jean-Luc Piat les estime entre le VIIe et le Xe siècle. Ils ont été coupés lors de la construction de la chapelle funéraire. Un troisième sarcophage a été creusé dans les remblais du XIe siècle, l’archéologue l’estime donc entre le XIIe et le XIVe siècle. Un quatrième sarcophage a été installé le long de la maçonnerie de la tour, l’archéologue en déduit qu’il est postérieur à la construction de la chapelle. Le choix a été fait de ne pas approfondir les recherches sur ces inhumations, par manque de temps et parce que l’objet des recherches était la chapelle. L’intérieur des sarcophages n’a pas été fouillé.
La réoccupation du début du XIXe siècle
Un immeuble a été construit sur l’emplacement de la chapelle au début du XIXe siècle, sous Napoléon Ier. Le dallage visible à l’intérieur du bâti circulaire est le plafond d’une fosse d’assainissement aménagée dans la chapelle. C’est dans ce bâtiment que se trouvait la célèbre boulangerie Boulestier jusqu’aux années 1970 avant de déménager à son emplacement actuel. C’est en 1977 que le bâtiment sera rasé et les vestiges de la chapelle recouverts.
Article de Romain Charrier , publié avec l’accord de Jean-Luc Piat, archéologue ( Eveha).