Dans le cadre du projet de réhabilitation et de mise en valeur de l’église Saint-Eutrope, la ville de Saintes a fait une demande de diagnostic archéologique , en vue de l’étude sanitaire du monument, dirigée par Christophe Amiot (ACMH) et le cabinet d’architectes SUNMETRON.
L’intervention archéologique, sous la direction d’Adrien Montigny (INRAP), s’est déroulée du 14 mai au 1er juin 2018. L’équipe était constituée de cinq archéologues, dont trois membres du Programme Collectif de Recherches sur Saint-Eutrope dirigé depuis 2016 par Christiane Gensbeitel (Vincent Miailhe, Adrien Montigny et Jean-Paul Nibodeau).
Ortho-image du chevet nord issue de la photogrammétrie de Vincent Miailhe
Joyau de l’art roman en Saintonge, c’est au XIIe siècle que l’église est achevée par les Clunisiens. Au XVe s. une chapelle gothique se greffe sur le chevet roman, et le bras nord du transept est reconstruit pour supporter le clocher flamboyant. La nef est démolie en 1803 en raison de son état de délabrement. Une nouvelle façade de style néo-roman est érigée une trentaine d’année plus tard, cette construction englobe aussi le bras sud du transept supprimant le clocher roman de la croisée du transept. Aujourd’hui, de l’église , il ne reste que le chœur et le bras du transept. Cet ouvrage s’intègre dans un complexe abbatial, dont l’origine remonte au VIe s. dédié à la mémoire d’Eutrope premier évêque de Saintes.
L’emprise du diagnostic se positionne à l’emplacement de la nef de l’église à trois vaisseaux, se situant sous le parking actuel, aux abords du chevet et dans la crypte. Dix neuf sondages ont été ouverts dans ces trois secteurs, neuf ont été relevés par photogrammétrie et ils sont présentés dans le modèle 3D https://skfb.ly/6RRDV afin de permettre au lecteur une meilleure compréhension de la stratigraphie du site.
Plan des sondages archéologiques réalisés par l’Inrap en mai/juin 2018 – DAO Vincent Miailhe
Le premier constat est l’excellent état de conservation des vestiges mis au jour lors de notre intervention. Le second est la densité de ces vestiges ne permettant pas toujours d’atteindre le substrat rocheux et de ce fait, d’observer dans son intégralité la séquence stratigraphique du site. Ces vestiges correspondent essentiellement à des structures funéraires et des maçonneries s’échelonnant de l’Antiquité tardive au XIXe s.
Si la présence d’une nécropole du haut Moyen Age est connue par l’historiographie et les observations des années 80 lors de travaux de voirie, ce diagnostic a bien confirmé sa présence et il a permis de mieux en estimer l’étendue. La nécropole est présente sur toute la partie septentrionale du site (Tr. 2, 3 et 15) et quelques éléments subsistent dans le vaisseau de l’église (Tr. 17). La plupart des sépultures antérieures à la construction de l’église romane sont des sarcophages monolithes avec leur couvercle et présentent une grande organisation dans leur alignement comme on peut l’observer à l’extrémité nord de la tranchée 3, aucune de ces sépultures n’a été fouillée. L’architecture funéraire change après le haut Moyen Age, le sarcophage monolithe laisse sa place à la sépulture en coffre, pleine terre ou bien cercueil en bois, élément qu’on observe à l’intérieur de la crypte. L’occupation funéraire semble se poursuivre jusqu’au XVIIIe s. sans hiatus.
Othophoto de la demi-colonne engagée de la nef sur le mur gouttereau sud de la nef (Tranchée 18)
Le parvis actuel a bien entendu livré des vestiges de nef disparue au début du XIXe s. Les murs gouttereaux des collatéraux nord (Tr. 14, 15 et 16) et sud (Tr. 17 et 18) ont pu être observés dans ces sondages et ils permettent de dresser un plan de l’édifice roman. Certains de ces vestiges étaient connus par d’anciennes interventions. C’est le cas du plan de l’église relevé en 1716 par Claude Masse, puis en 1880, par l’abbé Ludovic Julien-Lafferrière, la mise au jour du mur gouttereau sud avec l’appui d’un cliché photographique. Les sondages sur l’actuel parvis ont permis d’affiner le plan et, élément qui ne figure pas sur le plan de 1716, d’apporter des informations d’ordre altimétrique. En effet, la particularité de cet édifice réside dans l’organisation de ses espaces de circulation entre le chœur, la nef et la crypte qui sont à des niveaux différents, la nef étant sur un plan intermédiaire. Outre les éléments liés à l’église romane et au contexte funéraire, des maçonneries ont été mises au jour dans la tranchée 17 ; elles sont antérieures à la construction du XIIe s. mais restent dans une fourchette chronologique large comprise entre l’antiquité tardive et le haut Moyen-Âge.
Détail de l’église Saint-Eutrope sur un plan de Claude Masse de 1716
La crypte, ce remarquable édifice de la fin du XIe s. est divisé en trois vaisseaux et un déambulatoire qui s’ouvre sur trois chapelles. Elle est dotée aussi d’un vaste transept dont l’accès se fait par le bras nord de ce dernier en raison de la destruction de la nef centrale. Un programme de remise en service de son entrée d’origine avait été lancé au cours du XIXe s. mais est resté inachevé. Cet espace, l’avant crypte, est une pièce non accessible au public pour des raisons de sécurité, situé sous le parking, donc dans la nef centrale. Trois sondages (Tr. 10 à 12) ont été implantés afin d’apporter des informations relatives à la circulation entre la nef et la crypte. Si la densité des vestiges nous a compliqué la tâche lors de ces trois semaines d’étude, ça n’a pas été le cas à l’intérieur de la crypte où le substrat apparait à moins de 20 cm du sol actuel (Tr. 9). Néanmoins quelques structures fossoyées subsistent dont certaines sont attribuées à des sépultures et d’autres en relation avec la construction de la crypte. Quant aux sondages de l’avant crypte, ils permettent de confirmer que l’accès à la crypte se faisait par la nef centrale en empruntant une rampe entaillée dans le rocher (Tr. 10)
On note la présence d’une imposante maçonnerie dans la tranchée 3 pouvant être associée à l’édifice circulaire figuré sur le plan de 1716. Un sondage complémentaire a été réalisé par Jean-Luc Piat dans le cadre du PCR ( voir l’article de notre site : découverte d’une chapelle funéraire à Saint-Eutrope de Saintes).
Ce diagnostic apporte de nombreuses informations mais aussi de nouveaux questionnements à la fois sur le monument et sur l’occupation du site au sens large. Les réponses ne se trouvent pas dans cette opération de diagnostic, des études plus approfondies seront sans doute nécessaires pour mieux connaître l’histoire du site de Saint-Eutrope.
Vincent Miailhe
Pour visualiser le modèle 3D de la façade romane : https://skfb.ly/6zSuU et des sondages archéologiques : https://skfb.ly/6RRDV
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