Mise en valeur de l’aqueduc gallo-romain de Saintes: fin des travaux de la partie haute « source de la Grand-Font.

Spectaculaires travaux à la Grand-Font ( Le Douhet) dans le cadre de la mise en valeur de l’aqueduc Gallo-Romain de Saintes.

Jean-Louis Hillairet, archéologue responsable des fouilles de l’aqueduc se félicite que les travaux de restauration du site de la source de la Grand-Font : « respectent le site antique suivant nos observations faites lors des fouilles » 

Le chantier devrait se terminer avant Noël .

Mission accomplie , ci-dessous les photos de la partie haute de la Grand-Font  après les travaux.

Photos: JL.Hillairet

NOVEMBRE – Antéfixe

Antéfixe de l'atelier de La Palu

On a tous en mémoire un petit village gaulois aux toits de chaume protégeant ses habitants des pluies hivernales. En réalité, ce mode de couverture dominait aussi dans les grandes agglomérations lorsque tout la Gaule fut occupée en 50 av. J.C. Mais progressivement, l’usage romain de la tuile s’est imposé et avec lui, un nouveau décor est apparu sur le rebord des toits : l’antéfixe.

Bien qu’il fasse penser a un nom gaulois de bande dessinée, cet ornement est d’origine grecque, comme la tradition des tuiles plates et rondes qui finirent par coiffer presque toutes les constructions d’époque romaine. Évidement, cela ne s’est pas fait en un jour. À Mediolanum par exemple, après l’édification de bâtiments officiels, on a dû attendre la reconstruction des maisons traditionnelles et la création de nouveaux quartiers pour compléter le plan romain en damier de ses rues. Une longue métamorphose qui a vu la ville se couvrir progressivement d’une teinte rouge-rosée.

Aquarelle de Mediolanum au Ier siècle par Jean-Claude Golvin
Aquarelle de Mediolanum au Ier siècle par Jean-Claude Golvin

Au-delà des décorations qui pouvaient couronner les toitures des édifices de prestige*, le bord de certains toits étaient crénelés d’antéfixes pour cacher la jointure de deux tuiles plates (tegulae) sous les tuiles rondes (imbrices). L’ornement terminait donc une rangée d’imbrices pour être visible de la rue. On en a retrouvé une douzaine à travers la ville comme sous l’actuelle gare routière ou rue de Tibère. Tous moulés sur le même modèle, ils présentent une tête humaine ou de lion schématiques sur une palmette où apparaît en relief, la marque « FRONT O » ou « FRONT FEC », abréviation de « Fronton » ou « Frontinus l’a fait » .

En 1993, au 37-39 rue du bois d’Amour, sur la rive gauche de la Charente, un atelier de potier est fouillé. Aux abords d’un four, on a la surprise de découvrir des fragments d’antéfixes à tête humaine d’un modèle identique mais sans signature, sans doute exécutés sur place.

Photo extraite de Saintes Antique de Louis Maurin

Quelques années plus tôt en 1986, Guy Vienne, ancien membre de la Société d’archéologique de Saintes, avait découvert un autre atelier lors de la fouille de sauvetage précédant le creusement du canal de dérivation de la Charente à la Palu. Cette fois, avec son équipe, il mit au jour un grand complexe dont il estima l’activité entre les années 30 et 160 de notre ère. Révélant le lieu de fabrication de tuiles, de vaisselles et de divers objets comme l’oscillum en terre cuite de « la toilette de Vénus ». Il identifia surtout trois antéfixes, identiques aux deux types retrouvés par le passé : tête d’homme et mufle de lion. Cette fois, les céramiques étaient signées.

Alors, sans être sûr d’avoir découvert l’atelier du célèbre Fronton ou Frontinus, au nom imprimé sur les constructions les plus soignées de Mediolanum, on est à peu près certains d’avoir retrouvé le lieu d’où sortaient des antéfixes glanés dans toute la ville depuis plus d’un siècle.

Cédric Grené, guide conférencier, master d’histoire de l’art

 

* article d’A. Bouet, « L’épi de faîtage, un élément de terre cuite méconnu : à propos de deux exemples en Dordogne » in Aquitania XXI, 2005, pp. 285-298

Bibliographie :

L. Maurin, Saintes Antique, des origines à la fin du VIème siécle, Saintes, 1978 (publ. de la Société d’Archéologie et d’Histoire de Charente-Maritime), p. 229

L. Maurin, K. Robin, L. Tranoy, Saintes 17/2, coll. Carte Archéologique de la Gaule (dir. M. Provost), Gap, Académie des inscriptions et belles lettres, 2007, 439 p.

Illustration en entête : antéfixe de l’atelier de La Palu

Illustration 2 : Aquarelle de Mediolanum au Ier siècle par Jean-Claude Golvin

Illustration 3 : Extraite de Saintes Antique de Louis Maurin

la Société d’ Archéologie et d’Histoire de la Charente-Maritime a un nouveau Président

Jean-Louis Monget , élu mercredi 21 octobre par le conseil d’administration de la SahCM, succède ainsi à Michelle le Brozec , Présidente de l’association pendant dix ans.

Avec Jean-Louis Monget la Société poursuivra les actions déjà engagées et notamment avec les associations partenaires de l’OPS le projet d’un grand musée Archéologique à Saintes.

OPS : Observatoire du Patrimoine de Saintonge , dont la SahCM est l’initiatrice avec Médiactions, et les Amis des Musées de Saintes ( statuts dans la rubrique l’Association du site).

Cliché : Sud-Ouest

OCTOBRE – Corne d’abondance

C’est le moment du labour et des semailles dans les campagnes, plus tard viendra la récolte. Ce produit de la terre et d’autres bienfaits débordent de la corne d’abondance, un symbole toujours tenu par des femmes sur les représentations divines retrouvées à Saintes et ses environs.

Si Cérès la romaine ou Déméter la grecque, déesses de l’agriculture et de la fertilité, sont parfois représentées assises sur un trône, une corne d’abondance tenue contre elles, à Thénac c’est la déesse Cybèle qu’on a retrouvée ainsi. Aux abords du théâtre situé à 6 km au sud de l’antique Mediolanum, on a découvert une pierre semi-précieuse gravée en creux* de la « Grande Mère » trônant la corne à la main. Maîtresse de la nature sauvage et fertile, elle était accompagnée de ses deux lions qui rappellent ses origines orientales.

Suivant une légende, cette corne mythique viendrait du Mont Ida en Crète où le roi des dieux Jupiter fut allaité. C’est la corne de la chèvre Amalthée, sa nourrice, qui s’est brisée pour devenir une source inépuisable de délices.

Sur un morceau de sculpture découvert au cimetière Saint-Vivien à Saintes, de beaux fruits en jaillissent avec un épi de blé ruisselant. La main d’une déesse baguée semble en retenir le flux alors que celle d’un petit enfant la tient encore à sa base.

Il faut se rappeler que dans la ville, les statues des dieux ont été trouvées décapitées, souvent jetées au fond des puits antiques. Parmi les divinités possédant la fameuse corne, Louis Maurin, président honoraire de la Société d’Archéologie, y décèle des déesses-mères. En particulier dans ces groupes de femmes en calcaire, assises par deux côte-à-côte sur des sièges, dont une dizaine sont sorties de terre depuis le XIXe siècle.

Habillées d’une longue tunique plissée, avec parfois un châle passé sur l’épaule et descendant sur les genoux, elles dévoilent de temps à autres une coupe à offrandes, des fruits, peut-être des gâteaux ou du pain..

Bien que ces couples de déesses paraissent très romaines par leurs vêtements et leurs attributs, elles sont pourtant bien santones, tel l’étrange dieu-masque, la tête hérissée de phallus qui les accompagne à l’occasion, comme symbole évident de fertilité.

Ce sont des « Matres » ou « Matronae », venant du monde celte et que l’on retrouve aussi en Italie du Nord, en Angleterre et même en Allemagne où un groupe de trois déesses-mères assises étaient vénérées. Certainement protectrices d’une tribu, d’un lieu ou d’une source sacrée, leur mythe et leur nom nous échappent presque toujours mais les nourritures terrestres qu’elles présentent, ainsi que les enfants qui les accompagnent ou qu’elles allaitent, en font des figures de la fécondité, maternelles et bienveillantes.

Elles apportent la prospérité comme la corne d’abondance, expression de leur nature généreuse.

 

Cédric Grené, guide conférencier, master d’histoire de l’art

 

 

* Intaille en cornaline à l’origine monté sur une bague pour servir de sceau, découverte « près du village des Arènes » dans les années 1940

Bibliographie :

L. Maurin, K. Robin, L. Tranoy, Saintes 17/2, coll. Carte Archéologique de la Gaule (dir. M. Provost), Gap, Académie des inscriptions et belles lettres, 2007, 439 p.

L. Maurin, M. Thauré, Saintes à la recherche de ses dieux, publication du Musée archéologique de Saintes, édité par la Société d’archéologie et d’histoire de la Charente Maritime, 1984, 38p.

M. TH. Raepsaert-Charlier, Culte et territoires, Mères et Matrones, dieux « celtiques » : quelques aspects de la religion dans les provinces romaines de Gaule et de Germanie à la lumière de travaux récents, Antiquité classique, 84, 2015, 226 p.

Photo en entête : Intaille de Thénac représentant la déesse Cybèle portant une corne d’abondance sur sa droite

Photo 2 : Corne d’abondance avec main de divinité posée sur les fruits, découverte au cimetière Saint-Vivien à Saintes (1843)

Photo 3 : Groupe de deux déesses-mères retrouvé au cimetière Saint-Vivien (1892), celle de droite tient une patère et une corne d’abondance (INV.49.440)

 

Assemblée Générale de la Société d’archéologie et d’histoire de la Charente-Maritime.

L’Assemblée Générale de la SahCM s’est déroulée samedi 10 octobre à 14 heures à l’auditorium de la salle Saintonge.

Après avoir exposé la très « riche » rétrospective des activités de la société en 2019,  Michelle Le Brozec a passé le micro à Daniel Baillou , trésorier pour un état des finances de l’association impacté par la situation sanitaire actuelle. Deux personnes : Danièle Hughes et Daniel Dionis candidats pour entrer au conseil d’administration ont été admis après un exposé de leurs motivations.

Michelle Le Brozec , a ensuite informé les personnes présentes de sa décision de quitter la présidence de la SahCM. Elle aura mené les dix années de sa présidence  « tambour battant » avec un dynamisme et un engagement sans faille à la tête du « vaisseau SahCM ».

Elle restera , bien sûr, au sein de l’équipe avec une motivation intacte .

Un nouveau bureau sera constitué d’ici une semaine.

Site archéologique : Le baptistère paléochrétien du Douhet

Écrit par Romain CHARRIER et Jean-Louis HILLAIRET

Un baptistère paléochrétien se dévoile dans un lavoir

Le baptistère est accessible en 3D sur le lien suivant : https://skfb.ly/6UVRL.  Pour visualiser le modèle 3D : clic gauche maintenu avec le bouton de la souris pour la rotation, clic droit maintenu pour les translations et la molette pour avancer et reculer – Pour les tablettes et smartphones, un doigt pour faire tourner, deux doigts fixes pour les translations et doigts écartés/rapprochés pour zoomer

A 160 m de la Grand-Font, sur la commune de Le Douhet (Charente-Maritime), se trouve un lieu énigmatique. Une excavation taillée dans le rocher calcaire dessine un bâtiment de plan rectangulaire, accolé à l’aqueduc antique qui alimentait Saintes. Ce lieu dévoile de nombreux graffitis paléochrétiens tels qu’un chrisme entouré d’un alpha et d’un oméga, plusieurs poissons, symbole des premiers chrétiens, une croix également entourée d’un alpha et d’un oméga, une croix sur socle et diverses autres inscriptions. A cela s’ajoute une cathèdre monolithique également marquée sur son repose pied d’une croix et d’un M gravé rappelant peut-être l’initiale de Saint-Martial, évêque de Limoges au IIIe siècle de notre ère, dont l’église du Douhet lui est consacrée.

Le baptistère avec ses poissons paléochrétiens, sa cathèdre, sa piscine réutilisée en lavoir et le captage dans l’aqueduc antique

La piscine baptismale a été recalibrée au XIXe siècle pour aménager le bassin du lavoir. La salle du captage de l’eau dans l’aqueduc est au sud (derrière le cathèdre). Le lavoir est alimenté par une canalisation prenant l’eau de l’aqueduc au fond du conduit antique. Une seconde canalisation située 30cm plus haut, correspondait à l’alimentation primitive du baptistère et au niveau de circulation d’origine. A partir de ce niveau, on peut en déduire une hauteur du bassin de la piscine baptismale à l’origine de 1,10 mètre.

Hypothèse de restitution du baptistère de chez Pérot © Jean-Louis Hillairet

La présence de ces éléments symboliques qu’il rassemble (graffitis, cathèdre, piscine) et de l’eau pure qui s’écoule à l’intérieur du bâtiment, indiquent qu’il s’agit bien d’un baptistère paléochrétien pouvant dater de la fin du IIIe siècle. Il serait alors l’un des plus anciens connus à ce jour, rejoignant celui de Doura Europos en Syrie daté du milieu IIIe siècle.

Jean-Louis HILLAIRET & Romain CHARRIER

 

Le site du baptistère est accessible en 3D au lien suivant : https://skfb.ly/6UVRL .

Recommandation pour naviguer à l’intérieur des modèles 3D : clic gauche maintenu avec le bouton de la souris pour la rotation, clic droit maintenu pour les translations et la molette pour avancer et reculer. Avec une tablette ou un smartphone, un doigt pour faire tourner, deux doigts fixes pour les translations et deux doigts écartés/rapprochés pour reculer ou avancer. Les annotations en bas de la fenêtre et les pastilles placées sur le modèle 3D vous permettent de suivre un cheminement défini et d’obtenir des commentaires supplémentaires, pour cela il suffit de cliquer sur les flèches ou directement sur les pastilles. Le descriptif du monument ou de l’opération archéologique est placé en dessous du modèle 3D.

Prix de l’Académie de Saintonge : Michelle Le Brozec.

Dimanche 4 octobre 2020 à 14h30 , salle Jean Gabin , 112 rue Gambetta à Royan , l’ Académie a décerné  douze prix à des personnalités qui ont été distinguées dans les domaines de la culture, des arts, des sciences et de l’identité régionale.

Parmi les douze prix, Michelle Le Brozec , a reçu celui de la ville de Saintes pour ses dix ans de Présidence de la SahCM.

Ce prix est une juste récompense du mérite et de la reconnaissance de toute les qualités exprimées sans faille par Michelle Le Brozec alors qu’elle « passera la main » lors de l’Assemblée Générale du 10 octobre à 15 heures  elle aura lieu à l’auditorium de la salle Saintonge

Michelle Le Brozec  à  l’inauguration de l’exposition célébrant les 180 ans de la SahCM.