Site archéologique : La source de la ″Grand-Font″

Écrit par Jean-Louis Hillairet

La source de la « Grand-Font ».

GrandFontLe site est accessible en 3D au lien suivant : https://skfb.ly/6zFoL. Pour visualiser le modèle 3D : clic gauche maintenu avec le bouton de la souris pour la rotation, clic droit maintenu pour les translations et la molette pour avancer et reculer – Pour les tablettes et smartphones, un doigt pour faire tourner, deux doigts fixes pour les translations et doigts écartés/rapprochés pour zoomer.

La source de la Grand-Font, située sur la commune de Le Douhet, date de la construction du deuxième aqueduc qui a alimenté en eau vive la ville Saintes, au milieu du premier siècle de notre ère.

Fig.5

Plan de la source « sanctuaire » de la Grand-Font – DAO V. Miailhe

L’entrée et l’escalier

Les installations antiques comprennent tout d’abord une plate-forme d’entrée, recouverte à son origine par des dalles calcaires et protégée par une toiture. À partir de cette plate-forme d’entrée, se développe un escalier monumental, creusé dans le substrat calcaire et descendant vers l’aqueduc. Celui-ci est fermé par un mur qui comporte une porte. Les marches ont également reçu un dallage calcaire. Cet escalier est bordé par des murs latéraux avec un parement interne et externe de moellons parfaitement calibrés, jointés au fer. Sur le côté extérieur des murs, se trouvait un caniveau. Celui-ci recueillait les eaux de la toiture, montrant ainsi que l’escalier devait être également couvert, sans doute dans le prolongement de celle de la plate-forme.

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Escalier monumental descendant aux aménagements de la source

Le bassin de décantation (1)

À l’arrière de la porte, en bas de l’escalier, se trouve un bassin quadrangulaire de décantation réalisé en béton antique. Il correspond à un carrefour horizontal et vertical, lien entre les galeries naturelles retaillées, pour mettre en place le conduit de l’aqueduc et les aménagements antiques. Au-dessus du bassin, les parois, nord et ouest, ont été laissées brutes de taille, alors que les parois, sud et est, ont fait l’objet d’un habillage en petit appareil de moellons, qui vient recouvrir les failles de la paroi rocheuse, ce qui dénote selon nous une recherche d’esthétisme avérée. Ce bassin a subi des modifications au cours des siècles.

Au XVIIIe siècle, le châtelain de Le Douhet, a commandité la remise en service de l’aqueduc antique, en réalisant, un conduit reliant les galeries amont et aval, alors qu’elles n’étaient pas liées dans l’Antiquité. En-dessous, apparaît un aménagement de pierres sèches, formant un angle de murs qui reprend les parties disparues du bassin antique.Ces éléments forment ainsi un nouveau bassin d’époque médiévale. Ces murs reposent sur un niveau de bois taillés et assemblés, posés à l’horizontale datable du haut moyen-âge.

La salle supérieure (2)

Surplombant le bassin de décantation, une salle de forme trapézoïdale a été réalisée autour d’un puits de section carré. Celui-ci est ceinturé sur trois côtés par des murets, eux-mêmes bordés par des caniveaux réalisés en pierres calcaires. Sur ces mêmes côtés, se trouvent des trottoirs en béton, de largeurs distinctes, dont la surface lissée est en pente en direction des caniveaux. Le côté non muni de rigole, se situe au-dessus du linteau de la porte de l’escalier et correspond au mur de séparation entre le bassin de décantation et l’escalier. Il a une largeur de 50 cm avec un parement externe et interne de moellons, ce qui indique qu’il était visible de l’extérieur. Les caniveaux traversent ce même mur, pour se prolonger vers la plate-forme d’entrée longeant l’escalier par l’extérieur. Cette salle disposait d’une toiture couvrant le bassin de décantation et protégeant ainsi la source des eaux souillées. En revanche, les trottoirs n’étaient pas couverts.

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Salle supérieure

Le tunnel de départ vers Saintes (3)

Partant du bassin de décantation, à gauche de l’escalier, se trouve la galerie aval qui se dirige vers le château de Le Douhet et vers Saintes. Elle correspond pour la partie inférieure à la rivière souterraine et sa partie supérieure présente un creusement formant une voûte. Dans ce tunnel, le conduit antique de l’aqueduc est réalisé par des blocs monolithes taillés en forme de U mis bout à bout. Au-delà de cette section qui représente 70 m de longueur, un blocage de pierre de taille, réduit l’accès au passage de l’eau.

Le tunnel d’accès à la source

En amont du bassin de décantation la galerie, longue de 18,5 m, menant au captage de la source se situe quasiment dans l’axe de l’escalier. Sa partie inférieure correspond au lit de la rivière souterraine. À mi-hauteur, les parois sont taillées verticalement jusqu’au plafond voûté. Dès l’entrée du tunnel, le long de la paroi ouest, il existe un cheminement latéral qui permet d’atteindre l’extrémité de la galerie souterraine. Le conduit antique est constitué de 13 blocs monolithes calcaires, taillés en forme de U et mis bout à bout. Sur la face supérieure et de chaque côté des blocs, des trous de louve ont été creusés en leur centre, pour permettre leur déplacement. À chaque extrémité de ces blocs, deux gorges sont placées face à face, de manière à recevoir un béton rose assurant l’étanchéité entre eux. À l’époque antique, l’ensemble du conduit est recouvert de dalles de couverture, permettant un cheminement vers la source sur la largeur globale de la galerie.

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Galerie et conduit reliant la source au bassin de décantation

Le captage d’une exsurgence (4)

À l’extrémité du conduit, le bassin antique de l’exsurgence, de forme quadrangulaire, est creusé dans le substrat rocheux. Sur la paroi nord de cet espace, une niche est creusée avec soin dans le rocher sur 50 cm de profondeur. La partie supérieure a été taillée en plein cintre. On peut vraisemblablement voir ici, un emplacement pour abriter la représentation du dieu local, posée sur un socle.

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Captage de la source de la Grand-Font

Le puits

Au-dessus et à l’aplomb du bassin de la résurgence, un puits taillé dans le substrat permet de rejoindre la surface terrestre. À l’extérieur, le puits est ceinturé par quatre murs qui ont dû supporter une toiture. À la base des murs nord et sud, trois emplacements de poutrage sont visibles.

Dans la partie inférieure du puits, on observe sur les parois et de façon opposées, deux séries d’encoches, non contemporaines. Ces encoches correspondent à l’emplacement de poutres (5). La première série présente quatre creusements ayant reçu deux poutres, qui laissent entre elles un passage central. La deuxième série, plus récente, compte six encoches pouvant recevoir trois poutres, ce qui laisse entre elles deux passages. Nous pouvons associer à ces dernières, les mêmes négatifs de poutrage que nous observons dans la partie supérieure du puits et parfaitement positionné à l’aplomb de celles de la partie inférieure. L’hypothèse qui nous vient à l’esprit pour expliquer une telle installation est la présence d’une chaîne à godets.

Fig.7

Hypothèse de restitution du puits et de la chaîne à godets – DAO Jean-Louis Hillairet

La remontée d’eau à la surface avait pour but sa distribution, on peut penser que celle-ci avait également un pouvoir sacré pour les Anciens. Nous suggérons un système de roue à godets, bien connu à l’époque antique et relaté par Vitruve. Concernant la réception de l’eau en surface, on peut émettre l’hypothèse de la présence d’un ou de plusieurs bassins monolithes de stockage (auge), posés à même le sol, aujourd’hui disparus.

 

Jean-Louis Hillairet, archéologue

Le site est accessible en 3D au lien suivant : https://skfb.ly/6zFoL.

Recommandation pour naviguer à l’intérieur des modèles 3D : clic gauche maintenu avec le bouton de la souris pour la rotation, clic droit maintenu pour les translations et la molette pour avancer et reculer. Avec une tablette ou un smartphone, un doigt pour faire tourner, deux doigts fixes pour les translations et deux doigts écartés/rapprochés pour reculer ou avancer. Les annotations en bas de la fenêtre et les pastilles placées sur le modèle 3D vous permettent de suivre un cheminement défini et d’obtenir des commentaires supplémentaires, pour cela il suffit de cliquer sur les flèches ou directement sur les pastilles. Le descriptif du monument ou de l’opération archéologique est placé en dessous du modèle 3D.

 

Restitution de la source « sanctuaire » de la Grand-Font de Le Douhet par Bruno Guighou, selon l’hypothèse de Jean-Louis Hillairet 

Site archéologique : La source de la Font-Morillon

Écrit par Vincent Miailhe

Un premier aqueduc, une première source : La Font-Morillon.

Illustration_00La source est accessible en 3D sur le lien suivant : https://skfb.ly/6xVLC. Pour visualiser le modèle 3D : clic gauche maintenu avec le bouton de la souris pour la rotation, clic droit maintenu pour les translations et la molette pour avancer et reculer – Pour les tablettes et smartphones, un doigt pour faire tourner, deux doigts fixes pour les translations et doigts écartés/rapprochés pour zoomer

Depuis le milieu du XVIe siècle, l’aqueduc antique de Mediolanum a suscité la curiosité de nombreux érudits ; les précurseurs mentionnent l’existence d’un tel ouvrage par la présence de vestiges sillonnant les communes du Douhet, de Fontcouverte et de Vénérand tels que des puits, des galeries souterraines, des arches de pont.

En 1714, Claude Masse fut le premier à dresser des plans de certains de ces ouvrages tels que les ponts des Arcs et de Haumont, à établir une analyse et à proposer une description du monument. Ses successeurs enrichissent nos connaissances, alors que C. Masse ne voit qu’une seule source, celle du Douhet à La Grand-Font, François de La Sauvagère, en 1770, dans son recueil d’antiquités dans les Gaules, inclue la source de Vénérand sans pour autant en préciser le tracé.

Illustration_1Plan de C. Masse (1714), le pont des Arcs (golf de Fontcouverte) et la restitution du pont de Haumont

L’analyse de François-Marie Bourignon marque un tournant dans l’étude topographique du tracé de l’aqueduc. Il publie de nombreuses observations sur le monument antique et identifie une nouvelle source à l’ouest de la Grand-Font, sur la commune d’Écoyeux, au lieu-dit Fond Giraud. Il rejette, dans un premier temps, l’idée de la source de Vénérand émise par F. de La Sauvagère, mais ses recherches dans le vallon de la Tonne le conduisent à admettre son existence. Le tracé de l’aqueduc est encore flou et on note que l’existence d’une source à la Font-Morillon, sur la commune de Fontcouverte, n’est jamais mentionnée par les auteurs pas plus que l’existence de deux aqueducs construits successivement. Une première cartographie est ainsi proposée à la fin du XVIIIe siècle avec trois sources sur les communes d’Écoyeux, du Douhet et de Vénérand.

Le XIX° siècle n’apporte pas plus de renseignements au sujet de la source de la Font-Morillon mais remet en question la théorie de F.-M. Bourignon au sujet de la source de Fond Giraud à Ecoyeux ; des sondages sont même entrepris un peu avant la deuxième guerre mondiale à Fond Giraud dont les résultats confirment les hypothèses des érudits du XIXe siècle. Dans la première moitié du XXe siècle, les travaux de Marcel Clouet permettent de reconnaitre, sur la commune de Fontcouverte, la source de la Font-Morillon comme un captage alimentant l’aqueduc sans pour autant y voir la source primitive du monument interprétée comme telle par les frères Triou, au milieu du XXe siècle.

Les dernières recherches sur l’aqueduc de Saintes, initiées par la Société Archéologique et d’Histoire de la Charente-Maritime en 2003, ont permis de mieux cerner ce monument, vieux de plus de 2 000 ans, d’en définir une cartographie précise sur 75% de son parcours et d’obtenir son classement, en 2011, au titre des Monuments Historiques sur la totalité de son tracé. Ces travaux de recherches, répartis entre plusieurs équipes pluridisciplinaires – étude d’archives et équipe de terrain – ont duré treize années. En 2012, une opération archéologique a été engagée, sous la direction de Jean-Louis Hillairet, pour mieux comprendre la source de la Font-Morillon, genèse du premier aqueduc de Mediolanum. C’est lors de cette campagne de fouille qu’un relevé photogrammétrique a été réalisé par Vincent Miailhe. Ce relevé est accessible grâce au lien suivant https://skfb.ly/6xVLC et il vous permettra de visualiser en 3D le monument (rappel : clic gauche maintenu avec le bouton de la souris pour la rotation, clic droit maintenu pour les translations et la molette pour avancer et reculer).

FontMorillon_Fig Plan de la source de la Font-Morillon

Une source devait exister à l’époque romaine mais un aménagement fut nécessaire pour capter la nappe souterraine. Le bassin de captage est une excavation quadrangulaire de 4,5 m de côté et profonde de 5 à 6 m, taillée dans le substrat calcaire coniacien, comprenant sur sa face nord, une abside en cul de four (1) de 1,65 m de rayon d’où surgit la résurgence. Quelques traces d’enduit mural de couleur rouge subsistent sur les parois de l’excavation. L’accès à ce bassin se fait par l’ouest à l’aide d’un escalier droit composé d’une dizaine de marches (2) dont l’emmarchement varie de 1,7 m à 2 m au pied du bassin avec un giron de 0,45 m et une hauteur de marche de 0,33 m. En descendant l’escalier vers le bassin, de part et d’autre, deux niches rectangulaires (3) taillées dans le rocher se font face mais leur fonction reste difficilement interprétable.

Cet ensemble était bien entendu couvert par une toiture, supportée par une charpente, comme en témoigne la quantité importante de tegulae et d’imbrices découvertes ainsi que des négatifs de poteau mis au jour lors de la campagne de fouille.

Illustration_3 Restitution d’après J.-L. Hillairet

L’eau s’écoule par un canal (4), de 0,65 m de large, greffé sur la paroi ouest du bassin au nord de l’escalier. Taillé dans le rocher, le du conduit correspond parfaitement aux techniques de construction du premier aqueduc de la fin du Ier siècle av. J.-C. : deux piédroits maçonnés en moellons liés par un mortier reposant sur un sol de béton de tuileau et l’ensemble recouvert par un enduit hydraulique pour assurer l’étanchéité du specus. La couverture du specus est une voûte en plein cintre dont les claveaux sont des pierres plates ; un type de couverture qui diffère de ce que l’on rencontre sur le tracé de l’aqueduc.

Le mobilier archéologique antique récolté lors de la campagne de fouille de 2012 est composé, en grande partie, d’éléments de construction tels que des tuiles. Cependant, des fragments de poterie ont été trouvés dans les niveaux anciens et, fait surprenant, un lot de verreries de belle facture. Pourquoi de tels objets ici, s’agit-il de dépôts votifs dans un contexte sacré ? Les investigations n’ayant pu être poussées plus loin en raison de problèmes techniques liés aux remontées des eaux, des recherches supplémentaires seraient à engager pour mieux connaître ce site.

Rapport de sondage archéologique Coupe côtelée en verre, milieu du Ier siècle de notre ère

La Font-Morillon simple source d’eau vive ou nymphée ? Le site est-il plus qu’un lieu de captage pour alimenter en eau une ville ; nullum fons enim non est sacer, « il n’y a aucune source qui ne soit divine » affirmait Servius. Dans l’Antiquité, les sources fondaient la vie et elles étaient des espaces de sacralité, donnant naissance à des sanctuaires. Ainsi l’hypothèse d’un nymphée à la Font-Morillon est plausible, d’autant que cette source est celle du premier aqueduc de Mediolanum, capitale de la grande province Aquitania !

Vincent Miailhe, archéo-topographe

Le site de la Font-Morillon est accessible en 3D au lien suivant : https://skfb.ly/6xVLC.

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Monument antique : L’arc romain de Saintes

Écrit par Christian Vernou

L’ARC ROMAIN DE SAINTES A 2000 ANS.

Vignette

Le site est accessible en 3D au lien suivant : https://skfb.ly/6RHEr. Pour visualiser le modèle 3D : clic gauche maintenu avec le bouton de la souris pour la rotation, clic droit maintenu pour les translations et la molette pour avancer et reculer – Pour les tablettes et smartphones, un doigt pour faire tourner, deux doigts fixes pour les translations et doigts écartés/rapprochés pour zoomer.

L’arc romain que l’on observe avec curiosité le long du quai Bassompierre à Saintes a plus de 2000 ans. Il est la fierté des habitants de cette ville et fait la curiosité des touristes friands de vestiges anciens. En effet, bien peu d’arcs d’époque romaine sont venus jusqu’à nous. L’amateur pense immédiatement à ceux du Sud de la France (Orange ou Glanum, par exemple) mais il oublie souvent ce monument saintongeais qui porte en lui une histoire mouvementée que nous allons vous conter.

ArcGermanicus

Fig. 1 Relevé topographique de l’arc de Germanicus issu d’une photogrammétrie, par V. Miailhe (SahCM)

L’arc et le pont : une histoire commune

On ne sait pas bien comment l’arc était positionné à l’origine. Grâce aux gravures anciennes, on imagine qu’il était ancré sur une des piles du pont romain franchissant le fleuve Charente (Carantonus). A priori, il se situait à l’entrée du pont, sur un massif qui prenait appui sur le talus de la rive droite (à l’est). Cette donnée est hypothétique car à l’époque moderne, l’ouvrage d’art a été modifié. Le fleuve ayant déplacé son lit du côté de la rive droite, il fut nécessaire de construire trois arches supplémentaires en direction du faubourg des Dames. Depuis lors, l’arc est apparu comme « au milieu du pont », souvent figuré comme tel dans l’iconographie d’époque moderne (fig. 2).

fig. 2 Fig. 2 Vue cavalière de Saintes en 1560, par Georges Braun

Retenons que le monument était en belle place à l’origine, comme pour servir d’entrée majestueuse à la ville, l’urbs, qui se situait sur l’autre rive. Mediolanum était la capitale de la province d’Aquitaine et son commanditaire, Caius Julius Rufus, avait tenu à l’édifier sur l’axe principal qui marquait la ville antique. Celui-ci correspondait à l’arrivée de la grande voie est-ouest venant de Lugdunum-Lyon et menant à l’Océan Atlantique. C’était une des voies majeures aménagées sous l’empereur Auguste et qui distribuaient le territoire de la Gaule : les voies dites d’Agrippa (Strabon, Géographie, IV, 6, 11). Sur la rive gauche, une fois le pont franchi, on trouvait le decumanus maximus (la rue Victor Hugo), la voie principale d’orientation est-ouest.

Le choix de l’emplacement n’était donc pas innocent, cet axe de communication était essentiel au commerce et aux transports terrestres provenant de l’est et du nord, pour accéder aux territoires atlantiques ou du bordelais. N’oublions pas que jusqu’au Moyen Age, le pont de Saintes était le seul ouvrage d’art franchissant le fleuve, bâti en pierre. Cavaliers, marchands et voyageurs, rouliers et bouviers pouvaient lever la tête et penser ainsi à son généreux donateur.

Un arc érigé en l’honneur de l’empereur Tibère

Le monument est un arc romain à deux baies. Ce type est moins commun que les arcs à une seule arche ; on en connaît toutefois six dans le monde romain, dont cinq sont des arcs routiers. Cette disposition à l’entrée du pont marquait ainsi les deux sens de circulation. C’est un schéma que l’on retrouve pour certaines portes de villes gallo-romaines, comme à Autun (71) ou à Langres (52).

Le monument ne doit pas être confondu avec les arcs de triomphe ; il n’a jamais célébré le triomphe d’un général victorieux et aucun empereur n’est passé sous ses arches. Les arcs de triomphe sont d’ordinaire à une seule baie, ou bien, comprennent une grande arche épaulée par deux baies latérales ; rien de tel à Saintes.

Par son geste généreux, Rufus, issu d’une illustre famille noble santonne, a voulu célébrer la grandeur de l’empereur Tibère ; celui qui protège l’empire et lui assure sa prospérité. On parle alors d’acte d’évergétisme. L’inscription de la dédicace (1) associe deux princes impériaux : Drusus (le jeune), fils de Tibère et Germanicus, neveu de l’empereur. Sur la face donnant sur le fleuve, on distingue, en haut à gauche du monument, les lettres suivantes : GERMANICOGermanicus). C’est pourquoi à Saintes on parle de « l’arc de Germanicus ». Il est vraisemblable que des statues figurant ces princes s’élevaient au-dessus de l’arc romain.

On peut dater l’arc de Saintes grâce aux inscriptions. Sur la ligne inférieure mentionnant les titres de Germanicus, on note : flam(ini) August(ali), co(n)s(uli) II, imp(erator) II. Germanicus était donc prêtre du culte impérial et de plus, portait son second titre d’imperator (général victorieux), attribué depuis l’année 15. Mieux encore, sa titulature reconnaît son titre de consul pour la deuxième fois lors de l’érection du monument. C’est donc entre janvier 18 de notre ère et le 10 octobre 19, date de son décès à Antioche, que l’on doit dater l’érection de ce monument insigne.

Les malheurs de l’arc romain au cours des temps

Pour beaucoup d’entre nous, cet arc témoigne de l’antique passé de la ville et l’on se félicite qu’il ait ainsi pu traverser les siècles. En réalité, sa position actuelle est le résultat d’un âpre combat qu’il a fallu mener pour sa sauvegarde. En plus de l’agrandissement du pont du côté de la rive droite, d’importantes modifications ont eu lieu au Moyen Age : adjonction de moulins bâtis sur le flanc amont du pont, construction de merlons au-dessus de l’attique de l’arc, l’engageant ainsi à la défense de la ville. En effet, le fleuve a souvent servi de frontière naturelle au cours des conflits qui ont ensanglanté la région au cours des temps. On doit à l’architecte F. Blondel, la consolidation du pont devenue indispensable, notamment les piles qui supportaient l’arc.

Les infrastructures de l’ouvrage d’art devenaient toutefois instables, au début du XIXe siècle alors que le trafic routier augmentait. Par ailleurs, la circulation des gabarres, ces grands bateaux à fond plat qui véhiculaient les vins, puis les eaux de vie, devenait périlleuse sous les arches du pont. Après de nombreux revirements, il fut décidé vers 1840 de détruire le vieux pont et d’en construire un nouveau dit « en fil de fer », un peu plus en aval (ancêtre du pont actuel).

fig. 4Fig. 3 Localisation du sondage archéologique de 2004 sur le plan de C. Masse, topographie de V. Miailhe

L’arc est alors entièrement démonté à partir de 1843 ; ses blocs marqués pour en faciliter le remontage gisaient sur la berge de la rive droite. Victor Hugo, de passage à Saintes à la fin août de cette année, s’est offusqué de cette «opération barbare et dérisoire ». Grâce à l’opiniâtreté des érudits locaux et principalement à la Société d’Archéologie et d’Histoire de la Charente-Maritime, la situation a évolué favorablement. L’inspecteur des Monuments Historiques, Prosper Mérimée, s’est engagé résolument en faveur de la sauvegarde du monument. Il finit par obtenir qu’on le remonte sur le nouveau quai de la rive droite, soit à 28 m plus à l’est et suivant une orientation légèrement décalée par rapport à son axe d’origine, transformation observée lors d’un diagnostic archéologique dirigé par J.-Ph. Baigl (Inrap), en 2004 (fig. 3). L’arc était très mutilé et incomplet, aussi les restaurateurs dirigés par les architectes V. Fontorbe et J.-J. Clerget, ont dû utiliser de nombreux blocs neufs ; opération radicale, achevée en 1851 mais qui a sauvé le monument et nous permet de l‘admirer à nouveau.

Christian VERNOU, UMR 6298, ARTEHIS.

L’arc est accessible en 3D au lien suivant : https://skfb.ly/6RHEr.

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Monument médiéval : Saint-Eutrope

Écrit par Vincent Miailhe

L’église Saint-Eutrope.

SaintEutropeLe site est accessible en 3D au lien suivant : https://skfb.ly/6zSuU. Pour visualiser le modèle 3D : clic gauche maintenu avec le bouton de la souris pour la rotation, clic droit maintenu pour les translations et la molette pour avancer et reculer – Pour les tablettes et smartphones, un doigt pour faire tourner, deux doigts fixes pour les translations et doigts écartés/rapprochés pour zoomer.

Dans le cadre du projet de réhabilitation et de mise en valeur de l’église Saint-Eutrope, la ville de Saintes a fait une demande de diagnostic archéologique, en vue de l’étude sanitaire du monument dirigée par Christophe Amiot (ACMH) et le cabinet d’architectes SUNMETRON.

L’intervention archéologique, sous la direction d’Adrien Montigny (INRAP), s’est déroulée du 14 mai au 1 juin 2018. L’équipe était constituée de cinq archéologues, dont trois membres du Programme Collectif de Recherche sur Saint-Eutrope dirigé depuis 2016 par Christian Gensbeitel (Vincent Miailhe, Adrien Montigny et Jean-Paul Nibodeau).

Joyau de l’art roman en Saintonge, c’est au XIIe s. que l’église est achevée par les Clunisiens. Au XVe s. une chapelle gothique se greffe sur le chevet roman et le bras nord du transept est reconstruit pour supporter le clocher flamboyant. La nef est démolie en 1803 en raison de son état de délabrement. Une nouvelle façade de style néo-roman est érigée une trentaine d’année plus tard, cette construction englobe aussi le bras sud du transept supprimant le clocher roman de la croisée du transept. Aujourd’hui, de l’église, il ne reste que le chœur et le bras du transept. Cet ouvrage s’intègre dans un complexe abbatial, dont l’origine remonte au VIe siècle, dédié à la mémoire d’Eutrope premier évêque de Saintes.

L’emprise du diagnostic se positionne à l’emplacement de la nef de l’église à trois vaisseaux, se situant sous le parking actuel, aux abords nord du chevet et dans la crypte. Dix neuf sondages ont été ouverts dans ces trois secteurs, neuf ont été relevés par photogrammétrie et ils sont présentés dans le modèle 3D https://skfb.ly/6RRDV afin de permettre au lecteur une meilleure compréhension de la stratigraphie du site.

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Plan des sondage réalisés par l’Inrap en mai/juin 2018 – DAO Vincent Miailhe

Le premier constat est l’excellent état de conservation des vestiges mis au jour lors de notre intervention. Le second est la densité de ces vestiges ne permettant pas toujours d’atteindre le substrat rocheux et de ce fait, d’observer dans son intégralité la séquence stratigraphique du site. Ces vestiges correspondent essentiellement à des structures funéraires et des maçonneries s’échelonnant de l’Antiquité tardive au XIXe siècle

Si la présence d’une nécropole du haut Moyen Age est connue par l’historiographie et les observations des années 80 lors de travaux de voirie, ce diagnostic a bien confirmé sa présence et il a permis de mieux en estimer l’étendue. La nécropole est présente sur toute la partie septentrionale du site (Tr. 2, 3 et 15) et quelques éléments subsistent dans le vaisseau de l’église (Tr. 17). La plupart des sépultures antérieures à la construction de l’église romane sont des sarcophages monolithes avec leur couvercle et présentent une grande organisation dans leur alignement comme on peut l’observer à l’extrémité nord de la tranchée 3, aucune de ces sépultures n’a été fouillée. L’architecture funéraire change après le haut Moyen Age, le sarcophage monolithe laisse sa place à la sépulture en coffre, pleine terre ou bien cercueil en bois, élément qu’on observe à l’intérieur de la crypte. L’occupation funéraire semble se poursuivre jusqu’au XVIIIe s. sans hiatus.

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Ortophoto de la demi-colonne engagée de la nef sur le mur gouttereau sur de la nef (tranchée 18)

Le parvis actuel a bien entendu livré des vestiges de nef disparue au début du XIXe. Les murs gouttereaux des collatéraux nord (Tr. 14, 15 et 16) et sud (Tr. 17 et 18) ont pu être observés dans ces sondages et ils permettent de dresser un plan de l’édifice roman. Certains de ces vestiges étaient connus par d’anciennes interventions. C’est le cas du plan de l’église relevé en 1716 par Claude Masse, puis, en 1880, par l‘abbé Ludovic Julien-Laferrière, la mise au jour du mur gouttereau sud avec l’appui d’un cliché photographique. Les sondages sur l’actuel parvis ont permis d’affiner le plan et, élément qui ne figure pas sur le plan de 1716, d’apporter des informations d’ordre altimétrique. En effet, la particularité de cet édifice réside dans l’organisation de ses espaces de circulation entre le chœur, la nef et la crypte qui sont à des niveaux différents, la nef étant sur un plan intermédiaire. Outre les éléments liés à l’église romane et au contexte funéraire, des maçonneries ont été mises au jour dans la tranchée 17 ; elles sont antérieures à la construction du XIIe s. mais restent dans une fourchette chronologique large comprise entre l’antiquité tardive et le haut Moyen Age.

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Détail de l’église Saint-Eutrope sur un plan de Claude Masse de 1716

La crypte, ce remarquable édifice de la fin du XIe s. est divisé en trois vaisseaux et un déambulatoire qui s’ouvre sur trois chapelles. Elle est dotée aussi d’un vaste transept dont l’accès se fait maintenant par le bras nord de ce dernier en raison de la destruction de la nef centrale. Un programme de remise en service de son entrée d’origine avait été lancé au cours du milieu du XIXe s. mais est resté inachevé. Cet espace, l’avant crypte, est une pièce non accessible au public pour des raisons de sécurité, situé sous le parking, donc dans la nef centrale. Trois sondages (Tr. 10 à 12) ont été implantés afin d’apporter des informations relatives à la circulation entre la nef et la crypte. Si la densité des vestiges nous a compliqué la tâche lors de ces trois semaines d’étude, ça n’a pas été le cas à l’intérieur de la crypte où le substrat apparait à moins de 20 cm du sol actuel (Tr. 9). Néanmoins quelques structures fossoyées subsistent dont certaines sont attribuées à des sépultures et d’autres en relation avec la construction de la crypte. Quant aux sondages de l’avant crypte, ils permettent de confirmer que l’accès à la crypte se faisait par la nef centrale en empruntant une rampe entaillée dans le rocher (Tr .10)

On note la présence d’une imposante maçonnerie dans la tranchée 3 pouvant être associée à l’édifice circulaire figuré sur le plan de 1716. Un sondage complémentaire a été réalisé par Jean-Luc Piat dans le cadre du PCR (cf. https://www.sahcm.fr/activites/archeologie/recherches/decouverte-dune-chapelle-funeraire-a-st-eutrope-de-saintes).

Ce diagnostic apporte de nombreuses informations mais aussi de nouveaux questionnements à la fois sur le monument et sur l’occupation du site au sens large. Les réponses ne se trouvent pas dans cette opération de diagnostic, des études plus approfondies seront sans doute nécessaires pour mieux connaître l’histoire du site de Saint-Eutrope.

Vincent Miailhe, archéo-topographe

Pour visualiser le modèle 3D de la façade romane : https://skfb.ly/6zSuU et des sondages archéologiques: https://skfb.ly/6RRDV.

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Site archéologique : Les thermes de Saint-Saloine

Écrit par Daniel Dinand

Les bains dans les thermes de Saint-Saloine.

Photogrammétrie thermes v2Le site est accessible en 3D au lien suivant : https://skfb.ly/6QXpn. Pour visualiser le modèle 3D : clic gauche maintenu avec le bouton de la souris pour la rotation, clic droit maintenu pour les translations et la molette pour avancer et reculer – Pour les tablettes et smartphones, un doigt pour faire tourner, deux doigts fixes pour les translations et doigts écartés/rapprochés pour zoomer.

Le complexe thermal de Saint-Saloine date environ du milieu du Ier siècle de notre ère et il est probablement contemporain du deuxième aqueduc de Mediolanum. Ses ruines ne nous sont connues que très partiellement, seul le caldarium est visible dans sa totalité. De ce fait, la restitution des autres salles et aires d’activités reste hypothétique. Elle s’appuie sur les résultats des recherches menées sur le site depuis le XIXe siècle et sur la comparaison des vestiges avec ceux d’autres thermes situés dans le monde romain.

Le nom de Saint-Saloine provient d’une petite église, aujourd’hui disparue, construite sur les ruines des thermes. Pour accéder au complexe thermal, on devait emprunter le cardo maximus (1), grande voie cardinale se développant dans une direction sud-nord. En arrivant par le sud, les thermes étaient accessibles après le franchissement d’un probable pont qui enjambait la ravine de Saint-Saloine. Ce lieu a été répertorié à l’époque moderne sous le vocable de « Pont des Romains ».

C. Masse Fig 5 Thermes Saint-Saloine

Représentation de l’église de Saint-Saloine par C. Masse en 1714

Cette rue (cardo maximus) a été bordée par des constructions abritant des échoppes où l’on pouvait se désaltérer, se restaurer, commercer ou profiter des plaisirs de la vie. Le promeneur circulait sur un trottoir abrité par une galerie le protégeant du soleil et des intempéries.

L’un des accès probables aux thermes se faisait par le cardo, à côté d’un bassin lié peut-être à une fontaine dont il ne reste qu’un bassin et un soubassement. Passée la fontaine supposée, on devait accéder aux thermes par la galerie de la palestre (le terrain de sport). Nous pouvons supposer qu’il existait plusieurs de ces accès répartis sur les trois côtés de la palestre.

Le parcours dans les bains

Une fois entrés dans l’enceinte des thermes, on pénétrait dans l’apodyterium (le vestiaire), une salle parfois richement décorée dans laquelle on se déshabillait, on s’enduisait d’huile et on revêtait une tenue appropriée aux différentes activités décrites ci-après. Cette salle dont la présence est connue dans les thermes romains n’est pas actuellement localisée dans ceux de Saint-Saloine. Avant de passer aux bains, on pouvait pratiquer une activité physique dans la palestre, jouer, déambuler dans la galerie bordant la palestre, nouer des contacts commerciaux ou politiques, etc.

thermesStSa bis_001Plan des vestiges des thermes de Saint-Saloine – Relevés et DAO Jean-Louis Hillairet

Après s’être dépensé dans la palestre, on se débarrassait de la poussière accumulée lors des exercices physiques avant d’entrer dans le circuit de la balnéation proprement dite. La première salle à chaleur sèche, le tepidarium à température moyenne, permettait de préparer le corps à supporter des températures plus élevées.

On entrait ensuite dans la salle chaude du laconicum (chaleur sèche) (2), où l’on se débarrasse de la sueur, de l’huile et des impuretés collées à la peau grâce au strigile, un grattoir courbe en fer, bronze ou en ivoire. Dans cette salle nous remarquons deux absides présentes sur le mur sud de la salle, qui pouvaient abriter des vasques ou labrum permettant des ablutions. Un foyer et trois passages d’air communiquant avec le caldarium permettaient de chauffer ce dernier.

Après l’hygiène corporelle, venait la détente. Le caldarium (3), du latin caldus (chaud), terminait le circuit chaud des bains. De forme rectangulaire, cette salle comporte probablement un bassin. Dans une atmosphère chaude et humide, on pouvait se baigner, s’asperger d’eau, s’asseoir ou s’étendre sur des banquettes.
Bâtie du côté sud des thermes, cette salle profitait largement de l’apport de la chaleur naturelle du soleil. Le système de chauffe utilisé était le chauffage par le sol ou hypocauste. Le plancher du caldarium était formé d’une chape de béton, la suspensura (plancher suspendu), reposant sur des piles (ou pilettes) en briques carrées ou rondes au-dessus d’un espace vide destiné à la circulation de l’air chaud. Ce système, complété par des tubes en terre cuite (tubuli) insérés dans les parois faisait remonter l’air chaud provenant de l’hypocauste, chauffant ainsi les murs. Ce sont les fouilles archéologiques et surtout la disposition caractéristique des lieux qui ont permis d’identifier cette salle. Certains auteurs estiment que la température pouvait atteindre 50 à 55°C. On sait que les Romains devaient chausser des sandales à semelle de bois pour circuler dans un caldarium sans se brûler la plante des pieds.

En examinant les parois des vestiges, nous remarquons la forte dissymétrie des aménagements. En effet le mur nord comporte quatre absides, dont deux petites à chaque extrémité du mur. Ces deux éléments sont doublés par deux absides d’un plus grand diamètre. Le mur sud quant à lui ne comporte à ses extrémités que deux absides. Cette disposition permet de supposer la présence d’une grande baie vitrée, à moins que ce ne soit deux grandes fenêtres, ouvertes dans ce mur sud apportant lumière et chaleur du soleil.

L’alimentation en air chaud du caldarium est située sur le mur ouest : le praefurnium est le foyer producteur de l’air chaud circulant dans l’hypocauste et les tubuli des murs. Une chaudière était présente dans un local contigu au foyer et servait à l’alimentation en eau chaude des bains. Dans un local attenant au mur est du caldarium, une salle contenant un foyer a été mise en évidence lors de fouilles réalisée au niveau de ce mur (zone actuellement occupée par le tombeau des époux Morand).

Dans la partie est du laconicum, on remarque un assemblage de constructions liées aux thermes. Une galerie, forme la limite nord d’une aire découverte dont nous ne connaissons pas l’usage. Cette galerie communique avec une salle dont la partie nord-ouest est occupée par un praefurnium destiné à chauffer ce qui était peut-être le laconicum. Les eaux de pluies s’écoulant du toit de la galerie étaient recueillies par un caniveau (4) toujours visible.

La façade du caldarium (5)

La façade sud des thermes est le vestige le plus imposant et le mieux conservé des thermes Saint-Saloine. Longue d’environ 23 mètres, elle est ornée de 5 absides avec une alternance de formes circulaires, dites en cul de four, puis rectangulaires, séparées par des pilastres.

Thermes Saint-Saloine

Le peu d’éléments restant ne permet pas de donner avec certitude une signification architecturale à ces constructions si ce n’est le rôle de conforter le mur sud de la poussée des remblais attenants (même disposition pour le podium du temple de Montelu à Chassenon, par exemple). On a émis l’hypothèse de l’existence d’une fontaine monumentale au pied de cette masse ajourée. Cependant de nombreux détails architecturaux (absence d’alimentation et d’écoulement des eaux, d’ancrages des murs d’un bassin dans les parements apparents) remettent en question cette hypothèse flatteuse.

La sortie des bains

Après le caldarium, détendus et propres, on repassait par le laconicum puis le tepidarium. On pouvait ainsi sortir des bains après être repassés dans le vestiaire. Mais si on le souhaitait, au sortir du tepidarium, on pouvait entrer dans le frigidarium, la salle froide, dans laquelle on pouvait s’immerger dans un bassin d’eau froide (ou piscina), dans le but de raffermir les muscles et la peau détendus par les bains chauds précédents. On repassait par l’apodyterium et sortait sous la galerie du cardo.

Les toilettes publiques

Très vraisemblablement situées au sud des thermes, elles réutilisaient les eaux circulant dans l’égout (6) drainant les thermes, de la palestre au frigidarium jusqu’à la limite sud des bains. Ce conduit récoltait également les eaux pluviales de la toiture de la galerie située à l’est du laconicum. D’une capacité de 37 personnes, elles sont situées non loin d’un imposant massif de maçonneries en forme d’abside (serait ce la base du pont?) que nous pouvons encore voir sous la végétation.

L’alimentation en eau

Les thermes étaient alimentés en eau par une conduite reliée au castellum (le château d’eau de l’époque) recevant et répartissant l’eau de l’aqueduc. Les plus récentes observations font supposer l’arriver de cette conduite au sud-ouest des thermes au niveau de la chaudière qui jouxte le praefurnium et chauffe le caldarium.

Le tombeau de la famille MORAND (7)

Après abandon, le site est devenu une nécropole, dont proviennent les sarcophages réutilisés des époux Morand. Construite en 1895 et surmontée par une statue représentant le Temps, cette sépulture s’appuie sur le mur est du caldarium. Elle renferme deux sarcophages contenant les dépouilles des époux Morand, anciens propriétaires des terrains sur lesquels sont édifiés les thermes.

Daniel DINAND

Le site des thermes est accessible en 3D au lien suivant : https://skfb.ly/6QXpn.

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Monastères et couvents disparus : Le couvent des Filles de Notre-Dame .

L’institution religieuse des Filles de Notre-Dame est une congrégation fondée à Bordeaux en 1606 par Jeanne de Lestonnac. Née dans cette ville le 27 décembre 1556, elle est la fille de Richard de Lestonnac et de Jeanne Eyquem de Montaigne, sœur de Michel de Montaigne. Cette jeune femme âgée de 17 ans, épouse le 22 septembre 1573 Gaston de Monferrand, marquis de Landiras, La Mothe et autres places. De cette union naissent sept enfants, dont quatre seulement survivront. En quelques années, jeanne de Lestonnac perd plusieurs membres de sa famille proche : son oncle Michel de Montaigne en septembre 1592, son père en août 1595 et après vingt-quatre ans de mariage, son mari, en juillet 1597 ainsi que son fils aîné la même année. Alors commence pour elle une autre vie. Très pieuse, elle se met au service des pauvres puis, en juillet en 1603, devient religieuse chez les Feuillantines, monastère cistercien très strict de Toulouse. Elle y tombe malade et après quelques mois doit revenir à Bordeaux et se retire sur ses terres de La Mothe pour se soigner. Jeanne fonde ensuite en 1605, avec l’appui du Père de Borde, jésuite, une institution religieuse pour l’éducation des filles : la Compagnie de Marie Notre-Dame, approuvée par le cardinal de Sourdis, archevêque de Bordeaux, le 25 mars 1606 et par le pape Paul V, le 7 avril 1607.

Sta._Joana_de_LestonnacPortrait de Jeanne de Lestonnac

Histoire du couvent

Fondation

L’évêque de Saintes, Michel Raoul, souhaite la création d’un établissement de cet ordre dans la ville. Le 31 mars 1618, un bref du pape Paul V autorise l’installation à Saintes d’un couvent de filles de Notre-Dame et en approuve le règlement. Mais l’ouverture de cette maison est différée, les troubles religieux qui agitent la Saintonge à cette époque en sont peut-être la raison. Il semble cependant que Jeanne de Lestonnac soit un temps écartée comme supérieure de la communauté de Bordeaux et que sa remplaçante, native de Saintes, envoie, avec la bénédiction du cardinal de Sourdis, la Mère Badiffe accompagnée de deux autres sœurs et de trois novices pour fonder le couvent.

La première supérieure de cet établissement est sans doute cette Mère Badiffe, parente de Michel Badiffe, sieur de Jarlac, commune de Montils, qui administra la ville en 1605 ( famille anoblie en 1644). Cette femme gouverne avec une sagesse admirable, attirant les unes par la douceur, les autres par la sévérité. Une autre religieuse, la Mère Labat, sur laquelle nous ne possédons aucun renseignement, et d’autres novices jettent définitivement les fondements de cette nouvelle maison où les filles catholiques, ainsi que quelques protestantes repenties reçoivent leur instruction.

Le couvent des Filles de Notre-Dame est donc crée à Saintes en 1626. Les religieuses s’installent le long de l’ancienne route de Rochefort, longtemps dénommée rue des Notre-Dame et devenue depuis 1929 rue du général Sarrail.

Le couvent implanté, le reste de la communauté arrive à Saintes sous la conduite de sœur Françoise Boulaire. Les religieuses vont aussitôt s’agenouiller dans la cathédrale Saint-Pierre et se rendent ensuite à l’abbaye Sainte-Marie des Dames où l’abbesse Françoise II de Foix les reçoit et leur donne sa bénédiction. Elles entrent ensuite dans leur maison bénie ainsi que la chapelle par le grand vicaire.

Education des jeunes filles 

Ce sont des filles de la bonne société qui viennent s’instruire dans le couvent. On leur enseigne un minimum de connaissances pratiques et religieuses dans le but d’en faire des épouses respectables, de bonnes mères de familles à la compagnie agréable et si elles ont la vocation, des religieuses.

Les pensionnaires doivent être en bonne santé car l’établissement ne souhaite pas voir ses cours décimés par une épidémie. le coût pratiqué pour l’instruction des élèves est mal connu mais peut-être faut-il se fonder sur un tarif oscillant entre 250 et 600 livres par an. Les internes logent dans des dortoirs pouvant atteindre une trentaine de lits. Si ce couvent accepte les filles riches et celles qui le sont un peu moins, elles ne sont pas mélangées afin de ne pas susciter de jalousie.

costume filles deEssai de restitution de la tenue des pensionnaires

Les pensionnaires portent vraisemblablement un uniforme de couleur bleue. La coquetterie, plutôt mal vue est combattue. Les miroirs sont supprimés et on leur demande, au lever comme au coucher, de s’habiller et de se déshabiller le plus vite possible pour éviter toute indécence. En réalité, surtout en hiver, le froid qui règne dans les dortoirs mal chauffés oblige les filles à s’apprêter rapidement pour ne pas geler sur place.

Les jeunes pensionnaires sont théoriquement soumises au même régime de claustration que les sœurs, mais certains aménagements sont toutefois prévus pour alléger leur quotidien. Les demi-pensionnaires, qui habitent en ville et viennent tous les matins suivre les cours au côté des pensionnaires, sont introduites par les tourières, puis une fois la porte refermée, leurs maîtresses se présentent à elles par une issue opposée. Ainsi la religieuse ne risque jamais d’être en contact avec le monde extérieur.

Le couvent et ses propriétés

Le 15 juillet 1690, Claude Ozias, supérieure du couvent, déclare qu’elle est tenue à rente noble directe et foncière envers le prieur de Saint-Vivien mais elle n’en a aucun titre ni contrat, ceux-ci ayant brûlé, dit-elle, pendant les guerres. La communauté possède cependant trois petites maisons, situées en la paroisse Saint-Michel. Les sœurs y logeaient en attendant leur installation dans le couvent. Les religieuses héritent ensuite de quelques bâtiments et terres labourables dont elles payent les dîmes et rentes aux seigneurs de Chadignac, Fief-Gallet à Pessines, au doyen du chapitre de Saintes, aux prieurés de Saint-Vivien et Saint-Macoult. Une propriété leur a été adjugée aux Rabannières par sentence et décret du siège présidial de Saintes le 28 septembre 1641. La communauté possède également deux aires de marais salants, l’une en la prise de Gimeux partagée entre la seigneurie d’Hiers et l’abbesse de Saintes et l’autre en la prise de Tournedos, sur le chenal de Trousson. Elles possèdent d’autres marais, au lieu-dit Piedrouty, paroisse de Saint-Martin de Gua, mouvance de la seigneurie de Marennes.

Elles sont encore propriétaires d’un autre marais sur la Seudre par contrat du 14 août 1683. Les sœurs déclarent qu’il leur est dû, depuis le 31 juillet 1651, la somme de 25 livres de rente par les frères Cordeliers en raison de cession de certains près, situés en la seigneurie d’Orlac, et une maison dans le faubourg Saint-Eutrope, près des Roches, ruinée par les guerres et dont elles ont perdu le contrat.

Tels sont tous les biens, domaines et héritages que possèdent les religieuses des Filles de Notre-Dame. Elles ne jouissent d’aucun bien noble, mais perçoivent les pensions des filles qu’elles instruisent. Vivent au couvent une trentaine de religieuses professes et de chœur dont neuf sœurs laies. S’ajoutent à ce nombre leur confesseur, deux servantes du dedans et deux autres du dehors, appelées tourières ainsi que trois valets qui entretiennent le dit couvent et sont chargés de la décoration de l’église.

Faits divers au couvent

Le 22 février 1739, le procureur du roi informe le lieutenant criminel, Jean Elie Le Mercier, que la fille aînée de feu sieur de Gabaret, pensionnaire au couvent, s’est suicidée en se précipitant dans le puits de la maison.

Une bien pénible affaire, car dans un couvent on ne se suicide pas! Toutes les soeurs entourant la pauvre jeune fille sont persuadées qu’elle s’est jetée dans le puits pour mettre fin à ses jours. On la savait malade et quelque peu dérangée. Jean Elie Le Mercier, en plus de ces témoignages, siganle avoir trouvé sur la margelle une paire de souliers avec des boucles d’argent et une bagnolette de paille ( petite coiffe ancienne). Le médecin François Rivière, en examinant le corps, en déduit qu’elle a environ 18 ans, remarque une légère meurtrissure à la jambe gauche et conclut à une noyade.

Le procureur du roi, vu la requête et le rapport du médecin, décide qu’il s’agit d’un crime d’homicide volontaire et pour instruire la procédure réclame un curateur au cadavre. Il nomme pour la fonction requise Me Jean Degranges, procureur au siège présidial, qui paraît sceptique sur la thèse du suicide. De l’enquête menée par l’homme de loi, il ressort que la demoiselle de Gabaret avait des idées d’évasion et qu’elle avait déjà tentée plusieurs fois de s’échapper du couvent. Et c’est peut-être en cherchant à s’évader, dans la nuit, qu’en grimpant sur un appentis elle a perdu l’équilibre pour tomber la tête la première dans le puits qui se trouve juste en dessous.

Pour statuer dans un pareil cas, il faut fournir des preuves, ainsi que des témoins. Ce qui n’est pas le cas et l’on ne  peut pas certifier que cette jeune personne ne se plaisait pas dans la maison et avait des envies de liberté. Il est impossible de prononcer une condamnation sur de simples présomptions. Mais la conclusion du 25 février 1739 est toute autre : la dénommée de Gabaret est inculpée de suicide par noyade en se jetant volontairement dans le puits. Sa mémoire est alors condamnée à perpétuité et une amende de 100 livres st à verser au roi par la parenté. L’exécuteur de haute justice devra ensuite attacher le cadavre de la pauvre malheureuse sur une claie, la face contre terre, derrière une charrette et traîné par les rues de la ville jusqu’à la place du Palais. Là, elle devra être pendue par les pieds à une potence pour y demeurer jusqu’au soir.

Il semble que cette sentence ne fut jamais exécutée et que l’habile Me Degranges renversa l’accusation en la faveur de la jeune fille. Toujours est-il que le corps de mademoiselle Gabaret fut inhumé dans la cour du Palais.

Décidemment il se passe de drôles de choses dans ce couvent. En septembre 1775, Me Philippe Auguste Vieuille, conseiller du roi, magistrat au siège de Saintes, porte plainte contre le crime d’enlèvement de sa fille pensionnaire au couvent. Dans la nuit du lundi au mardi 19 septembre 1775, Joseph de Fleurant, écuyer, mousquetaire de la garde du roi, ayant une chambre dans la maison du sieur Soutine, dit Langoûmois, rue de la Souche, paroisse Saint-Pierre, décide avec trois de ses complices, vêtus de redingotes, d’enlever Marie-Claude Vieuille  et l’emmène chez lui. Imaginez la stupéfaction de la mère supérieure et des religieuses et surtout la colère du père qui ne demande pas réparation par un mariage, mais fait accuser le mousquetaire de crime; celui-ci sera condamné à mort par contumace.

A la Révolution, certaines sœurs placées très jeunes dans le couvent par leurs parents et n’ayant aucune vocation religieuse, profitent des derniers décrets pour retourner à la vie civile. C’est le cas de Madame Lauzet, ex-religieuse des Sainte-Claire, qui sort définitivement du couvent des Filles de Notre-Dame, où elle avait été transférée en 1787. Cette personne, accusée de légèreté et d’inconvenance par son ancienne supérieure de la rive droite, se trouve de nouveau dégoûtée du cloître. Elle en sort le 18 juillet 1790 en habit du monde, prétendant être maltraitée et même battue par les autres religieuses, ce qui est peut-être exagéré. Elle combine sa sortie. Elle combine sa sortie avec une demoiselle Grelet, un mauvais sujet paraît-il, qui fait les démarches nécessaires auprès de Bernard des Jeuzines pour obtenir un logement avant son départ pour Paris où elle a de la famille. Le révolutionnaire s’empresse de leur accorder une chambre dans sa maison de Saintes. Ainsi les deux ex-nonnes viennent habiter chez ce veuf sans mœurs et chez lequel se rendent tous les jours une douzaines d’officiers jeunes et libertins. Bernard donne alors des soirées en ville et une fête brillante dans sa nouvelle maison de campagne au Plessis, commune de Chaniers en leur honneur et pour leur déshonneur !

Claude Masse négatifs 041 Plan particulier de Saintes F 13Plan de Claude Masse de 1715. Le couvent  est noté 12 sur le plan. La chapelle du couvent est à gauche de l’entrée donnant sur la rue

Le couvent pendant la Révolution

Comme dans tous les autres couvents de la ville, les cloches sont enlevées, le 1er juin 1792, dans la cour de l’hôtel de la commune pour ensuite être fondues à La Rochelle. Le couvent fermé, en décembre 1792, les meubles de la communauté dispersés.

Puis les bâtiments servent de prison. En 1794, 44 personnes sont transférées de Brouage à l’ancien couvent des Notre-Dame qui renferme alors 128 détenus, dont 58 religieuses.

Le 25 septembre 1794, et dans les jours qui suivent, y sont transférés des détenus infirmes venant de l’hôpital de la Charité. Ils sont traités avec sévérité et dureté. Le 9 janvier 1795, 67 personnes emprisonnées, tant pères que femmes d’émigrés, suspects et religieuses de tous les ordres sont libérés. Au 14 mai 1795, il ne reste que 2 prêtres.

L’ensemble des bâtiments est mis en vente. Il est divisé en plusieurs lots, attribués en date du 18 nivose an VI ( 7 janvier 1798), au terme de 5 procès-verbaux d’adjudication de l’administration centrale du département, aux citoyen Lagarosse, Gallochaud, Riondel, Massiou et Soustras.

Le général Muller et sa descendance

Le général Jacques Léonard Muller va jouer un rôle important dans ces transactions en devenant en 1804 le seul propriétaire de l’ancien couvent. Beaucoup de travaux sont effectués dont la disparition probable des grands bâtiments de l’ancien établissement religieux. Le groupe de maisons abritant jadis les parloirs et le pavillon d’entrée devient petit à petit un hôtel particulier, un des plus beaux de la ville, où le général peut couler des jours heureux, avec son épouse et ses deux filles. Les descendants du général Muller restent propriétaires tout au long des décennies suivantes. Marie-Henriette-Louise Boscal de Réals, veuve du petit fils du général, installe dans une partie de sa propriété les Frères de la doctrine chrétienne qui ouvrent leur établissement d’enseignement le 24 septembre 1877. Elle cède ensuite, le 3 janvier 1878, l’essentiel de son terrain, dont celui occupé par l’école, à Marie-Catherine Jamet, en religion sœur Marie-Augustine de la Compassion, supérieure générale de la congrégation des Petite sœur des Pauvres. Celles-ci revendent la parcelle de l’école en 1939.Le 23 juin 1940, les troupes allemandes arrivent à Saintes. les autorités ennemies mettent en place une Kommandantur d’arrondissement, de laquelle dépendent un service de surveillance et un service de maintien de l’ordre, feldgendarmerie, qu’elles installent dans ce qui reste des anciens locaux du couvent des Notre-Dame.Il semble que le baron Von Buddenbrock soit l’un des responsables de la Kommandantur de Saintes, car il signe plusieurs avis concernant la réglementation de la ville.

Le 27 mai 1946, la veuve de Louis Boscal de Réals de Mornac vend l’ancien hôtel du baron Muller et son parc, rue du général Sarail ( rue des Notre-Dame jusqu’en 1929), à la ville de Saintes qui y installe un centre médico-social, aujourd’hui fermé, et l’école maternelle Emile-Combes en 1959, transférée depuis l’emplacement de l’ancienne école des Frères de la doctrine chrétienne, rachetée par la mairie en 1982.

Architecture du couvent

Dans un acte de 1634, l’architecte Guillebot commande des pierres et des douelles pour le couvent en construction. Séparé du monde extérieur par de hauts murs, le couvent dispose d’une chapelle qui se compose d’une nef rectangulaire, d’une abside et d’un espace réservé aux religieuses, séparé du chœur par de hautes grilles. Pour la célébration du culte, les sœurs obtiennent le privilège habituel : sonnerie de cloches, aumônier particulier et confesseur attachés à la communauté. Cette chapelle se situe en bordure de rue, contigüe au portail d’entrée. Une petite cour donne accès aux parloirs du dehors et du dedans. Une autre porte permet d’arriver dans la grande cour où s’élève le grand bâtiment en équerre avec au rez-de-chaussée, les cuisines, le réfectoire et aux étages les dortoirs. A l’extrémité du bâtiment se trouve, côté rue, le cloître. Des dépendances s’éparpillent dans un grand jardin planté d’arbres fruitiers. L’ensemble du couvent s’étend sur quatre journaux ( environ 1,3 ha).

Après 1804, le général Muller effectue beaucoup de travaux qui entraînent probablement la disparition des grands bâtiments de l’ancien établissement religieux. Le groupe de maisons, abritant jadis les parloirs et le pavillon d’entrée, devient petit à petit un hôtel particulier, un des plus beaux de la ville.

Patrice Gerbois et le groupe de recherche sur les couvents saintais disparus, publié dans le bulletin SahCM n°45 de 2018 disponible à la vente à la SahCM, 8 rue Mauny à Saintes

Résultat scientifique du diagnostic archéologique de l’Inrap autour de l’église Saint-Eutrope

Dans le cadre du projet de réhabilitation et de mise en valeur de l’église Saint-Eutrope, la ville de Saintes a fait une demande de diagnostic archéologique , en vue de l’étude sanitaire du monument, dirigée par Christophe Amiot (ACMH) et le cabinet d’architectes SUNMETRON.

L’intervention archéologique, sous la direction d’Adrien Montigny (INRAP), s’est déroulée du 14 mai au 1er juin 2018. L’équipe était constituée de cinq archéologues, dont trois membres du Programme Collectif de Recherches sur Saint-Eutrope dirigé depuis 2016 par Christiane Gensbeitel (Vincent Miailhe, Adrien Montigny et Jean-Paul Nibodeau).

SaintEutropeOrtho-image du chevet nord issue de la photogrammétrie de Vincent Miailhe

Joyau de l’art roman en Saintonge, c’est au XIIe siècle que l’église est achevée par les Clunisiens. Au XVe s. une chapelle gothique se greffe sur le chevet roman, et le bras nord du transept est reconstruit pour supporter le clocher flamboyant. La nef est démolie en 1803 en raison de son état de délabrement. Une nouvelle façade de style néo-roman est érigée une trentaine d’année plus tard, cette construction englobe aussi le bras sud du transept supprimant le clocher roman de la croisée du transept. Aujourd’hui, de l’église , il ne reste que le chœur et le bras du transept. Cet ouvrage s’intègre dans un complexe abbatial, dont l’origine remonte au VIe s. dédié à la mémoire d’Eutrope premier évêque de Saintes.

L’emprise du diagnostic se positionne à l’emplacement de la nef de l’église à trois vaisseaux, se situant sous le parking actuel, aux abords du chevet et dans la crypte. Dix neuf sondages ont été ouverts dans ces trois secteurs, neuf ont été relevés par photogrammétrie et ils sont présentés dans le modèle 3D https://skfb.ly/6RRDV afin de permettre au lecteur une meilleure compréhension de la stratigraphie du site.

StEutrope_Niv-1Plan des sondages archéologiques réalisés par l’Inrap en mai/juin 2018 – DAO Vincent Miailhe

Le premier constat est l’excellent état de conservation des vestiges mis au jour lors de notre intervention. Le second est la densité de ces vestiges ne permettant pas toujours d’atteindre le substrat rocheux et de ce fait, d’observer dans son intégralité la séquence stratigraphique du site. Ces vestiges correspondent essentiellement à des structures funéraires et des maçonneries s’échelonnant de l’Antiquité tardive au XIXe s.

Si la présence d’une nécropole du haut Moyen Age est connue par l’historiographie et les observations des années 80 lors de travaux de voirie, ce diagnostic a bien confirmé sa présence et il a permis de mieux en estimer l’étendue. La nécropole est présente sur toute la partie septentrionale du site (Tr. 2, 3 et 15) et quelques éléments subsistent dans le vaisseau de l’église (Tr. 17). La plupart des sépultures antérieures à la construction de l’église romane sont des sarcophages monolithes avec leur couvercle et présentent une grande organisation dans leur alignement comme on peut l’observer à l’extrémité nord de la tranchée 3, aucune de ces sépultures n’a été fouillée. L’architecture funéraire change après le haut Moyen Age, le sarcophage monolithe laisse sa place à la sépulture en coffre, pleine terre ou bien cercueil en bois, élément qu’on observe à l’intérieur de la crypte. L’occupation funéraire semble se poursuivre jusqu’au XVIIIe s. sans hiatus.

St Eutrope Tr18-Coupe1_50Othophoto de la demi-colonne engagée de la nef sur le mur gouttereau sud de la nef (Tranchée 18)

Le parvis actuel a bien entendu livré des vestiges de nef disparue au début du XIXe s. Les murs gouttereaux des collatéraux nord (Tr. 14, 15 et 16) et sud (Tr. 17 et 18) ont pu être observés dans ces sondages et ils permettent de dresser un plan de l’édifice roman. Certains de ces vestiges étaient connus par d’anciennes interventions. C’est le cas du plan de l’église relevé en 1716 par Claude Masse, puis en 1880, par l’abbé Ludovic Julien-Lafferrière, la mise au jour du mur gouttereau sud avec l’appui d’un cliché photographique. Les sondages sur l’actuel parvis ont permis d’affiner le plan et, élément qui ne figure pas sur le plan de 1716, d’apporter des informations d’ordre altimétrique. En effet, la particularité de cet édifice réside dans l’organisation de ses espaces de circulation entre le chœur, la nef et la crypte qui sont à des niveaux différents, la nef étant sur un plan intermédiaire. Outre les éléments liés à l’église romane et au contexte funéraire, des maçonneries ont été mises au jour dans la tranchée 17 ; elles sont antérieures à la construction du XIIe s. mais restent dans une fourchette chronologique large comprise entre l’antiquité tardive et le haut Moyen-Âge.

St-Eutrope Detail-PlanMasseDétail de l’église Saint-Eutrope sur un plan de Claude Masse de 1716

La crypte, ce remarquable édifice de la fin du XIe s. est divisé en trois vaisseaux et un déambulatoire qui s’ouvre sur trois chapelles. Elle est dotée aussi d’un vaste transept dont l’accès se fait par le bras nord de ce dernier en raison de la destruction de la nef centrale. Un programme de remise en service de son entrée d’origine avait été lancé au cours du XIXe s. mais est resté inachevé. Cet espace, l’avant crypte, est une pièce non accessible au public pour des raisons de sécurité, situé sous le parking, donc dans la nef centrale. Trois sondages (Tr. 10 à 12) ont été implantés afin d’apporter des informations relatives à la circulation entre la nef et la crypte. Si la densité des vestiges nous a compliqué la tâche lors de ces trois semaines d’étude, ça n’a pas été le cas à l’intérieur de la crypte où le substrat apparait à moins de 20 cm du sol actuel (Tr. 9). Néanmoins quelques structures fossoyées subsistent dont certaines sont attribuées à des sépultures et d’autres en relation avec la construction de la crypte. Quant aux sondages de l’avant crypte, ils permettent de confirmer que l’accès à la crypte se faisait par la nef centrale en empruntant une rampe entaillée dans le rocher (Tr. 10)

On note la présence d’une imposante maçonnerie dans la tranchée 3 pouvant être associée à l’édifice circulaire figuré sur le plan de 1716. Un sondage complémentaire a été réalisé par Jean-Luc Piat dans le cadre du PCR ( voir l’article de notre site : découverte d’une chapelle funéraire à Saint-Eutrope de Saintes).

Ce diagnostic apporte de nombreuses informations mais aussi de nouveaux questionnements à la fois sur le monument et sur l’occupation du site au sens large. Les réponses ne se trouvent pas dans cette opération de diagnostic, des études plus approfondies seront sans doute nécessaires pour mieux connaître l’histoire du site de Saint-Eutrope.

Vincent Miailhe

Pour visualiser le modèle 3D de la façade romane : https://skfb.ly/6zSuU et des sondages archéologiques : https://skfb.ly/6RRDV

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Saintes, rue Bernard.

Saintes, rue Bernard.

Jean-Philippe Baigl

Avant la construction du projet d’extension de l’EHPAD de la Providence à Saintes, un diagnostic archéologique réalisé en 2012 avait permis d’identifier plusieurs phases d’occupation depuis la période antique jusqu’à l’Epoque moderne, donnant ainsi lieu à une campagne de fouille ( fig.1). Effectuée par une équipe d’une dizaine d’archéologues de l’Inrap cette opération a débuté le 13 janvier 2014 pour se terminer au mois d’août.

FProvidence Fig 1

Figure 1 – Vue générale de la fouille lors du décapage des niveaux antiques (cliché G. Lavoix)

D’une superficie de 2 500m², l’emprise de la fouille occupe le bord oriental du promontoire qui domine le cœur ancien de la ville de Saintes.

Les nombreuses découvertes effectuées dans ce quartier depuis la fin du XIXè siècle témoignent d’une densité importante de vestiges remontant aux origines de la ville. Toutefois, hormis les opérations préalables à la construction de l’hôpital Saint-Louis dans les années 1970, aucune fouille préventive d’envergure n’avait été réalisée dans le centre de la cité antique. Cette opération offre donc l’opportunité d’obtenir des données inédites sur les origines de la ville, les prémices de son urbanisation, le développement et l’évolution de la trame urbaine depuis l’Antiquité jusqu’à l’Epoque moderne, ainsi que sur l’histoire des fortifications de la ville et de son château.

Les niveaux anciens

Les vestiges les plus anciens concernent des traces fugaces d’occupation de la fin de l’Âge de Bronze ou au début de l’Âge du fer : il s’agit le plus souvent de tessons de céramique retrouvés de manière erratique au sein des occupations postérieures ou au niveau du paléosol. Les premières structures organisées concernent des constructions sur poteaux ou sablières présentes sur toutes les zones explorées exhaustivement, indiquant une occupation du secteur vers le milieu du 1er siècle av. J.-C ( à confirmer par l’étude non encore effectuée du mobilier). La structuration de l’espace par niveaux de circulation apparaît à l’époque augusto-tibérienne conjointement à la densification de l’occupation.

Un îlot urbain du Ier au IIIè siècle.

Les recherches ont révélé l’existence d’un îlot urbain situé à l’angle de deux rues ( fig.2), toutes deux bordées par un égout et un portique; ce trottoir couvert est séparé de la rue par une colonnade. les recharges successives de galets, silex ou fragments de tuiles qui constituent les niveaux de circulation de la voie témoignent d’une utilisation fréquente et ancienne. La voie est-ouest parait secondaire à celle d’axe nord-sud qui doit correspondre au cardo qui, en se prolongeant vers le nord, dessert les thermes de Saint-Saloine d’un côté et de l’autre un quartier périphérique antique, objet d’une fouille fin 2013 rue Daniel Massiou.

Le bâtiment dégagé à l’angle des deux rues montre de grands espaces rectangulaires voués en partie à une activité artisanale ( travail des métaux) et peut-être aussi commerciale. Un autre ensemble séparé du premier par une cour a été dégagé plus à l’est. Une pièce donnant sur la voie décumane dessert une composition monumentale dégagée seulement partiellement et qui montre notamment une pièce à abside richement ornementée ( placage de marbre, pilastres moulurés,….).

Providence plan fig2

Figure 2 – Plan schématique des principaux vestiges du Ier au IIIè s, ap.J.-C. ( J.-P.Baigl, G. Lavoix, P.Neuvy, J.-S.Torchut, Inrap)

La construction du rempart ( fin du IIIè s./début du IVè siècle)

L’organisation de l’îlot urbain perdure jusqu’au IIIè s. pour disparaître lors de la construction de l’enceinte urbaine vers la fin du IIIè siècle vraisemblablement. Le tracé du rempart, encore visible à l’angle de la rue Bernard et de la place du 11 Novembre, se poursuit vers le nord , sous le parking le long du mur de clôture occidental de la Providence, qui constitue la limite de la fouille, la situant ainsi à l’intérieur de l’enceinte.

L’îlot est progressivement détruit comme la plupart des monuments anciens de la ville ( édifices publics, temples, mausolée,…) avec une récupération des matériaux qui serviront à la construction de la fondation du rempart. Plusieurs blocs d’architecture, colonnes essentiellement, ont été découverts lors de l’exploration.

Le rempart n’est pas visible sur la fouille puisqu’il se situe quelques mètres plus à l’ouest donnant donc l’opportunité d’étudier les abords immédiats de l’intérieur de l’enceinte. Un talus interne adossé au pied de la fortification a ainsi pi être identifié.

La réorganisation de la ville à l’époque médiévale

Cette zone zone au pied du rempart restera vierge de toute construction jusqu’au VIIIè/Xè siècle. A partir de cette période qui peut s’étendre jusqu’au XIIè siècle, l’espace vraisemblablement voué à des jardins est percé d’une multitude de fosses( silos, latrines, dépotoirs) indiquant une toute proche occupation : l’analyse du matériel permettra peut-être de savoir s’il s’agit d’un habitat civil ou des phases anciennes du château ( fig. 3).

Providence plan fig3

Figure 3 – Plan synthétique de l’occupation médiévale (J.-P. Baigl, G.Lavoix, P. Neury, J.-S. Torchut, Inrap)

Des voies se dirigeant vers l’angle nord-ouest du site témoignent probablement d’un accès à celui-ci. Si aucune construction n’a été observée dans ce secteur en liaison avec les fosses, à partir du XIIIè s.se développe un bâti avec des constructions de diverses qualités. Au sud et à l’ouest, des bâtiments sont élevés en moellons montés à la terre ( fig.3, A-B-C-D-E), alors qu’au centre de l’espace un bâtiment en pierres de taille liées au mortier de chaux est élevé sur un cellier semi-enterré ( fig.3, F.G). Ce dernier subit une reconstruction totale avec une extension vers l’ouest avant d’être abandonné dans le courant du XIVè s. comme semble-t-il, le reste du terrain sous réserve de l’étude complète du mobilier céramique.

Providence

Vue vers le nord-ouest, d’une des tours du château et de son escarpe talutée. A droite, l’escarpe a été détruite par une carrière moderne (cliché J-P Nibodeau Inrap).

Jean-Philippe Baigl, archéologue INRAP, responsable de la fouille donnera une conférence sur ce thème quand nous serons sortis de l’urgence sanitaire actuelle.

Article publié dans le bulletin SahCM n°42 de 2015 disponible à la vente sur ce lien

Diagnostic archéologique et mise en valeur du château de Bouteville

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Suite à la conférence de Jean-Paul Gaillard sur le château de Bouteville, le 22 février 2020, puis de la sortie organisée par la SahCM pour ses adhérents le 7 mars 2020 ( voir l’article dans la rubrique : « sorties » du site), Vincent Miailhe , archéologue et topographe à l’INRAP, partage la photogrammétrie (3D) de son intervention sur le château avec Adrien Montigny, archéologue à l’INRAP, lors d’un diagnostic archéologique réalisé en 2019. Ce diagnostic a permis de mettre au jour le donjon roman et d’autres éléments de la fortification médiévale, enceinte et piles du pont levis.

Un château, près de 2000 ans d’histoire

Le château de Bouteville a été l’une des plus importantes places fortes de Charente au Moyen-Âge et l’un de ses plus fastueux château au XVIIème siècle. Occupée dès la fin de l’époque gallo-romaine, la colline de Bouteville est fortifiée dès le Xème siècle. Le château du Moyen-Âge sera démoli pendant les Guerres de religion, reconstruit sous la Renaissance, achevé vers 1624 et deviendra une prison en 1794. Il est délaissé au XIXème siècle. Classé au titre des Monuments Historiques depuis 1984. Le château bénéficie aujourd’hui de travaux de consolidation , de restauration et de valorisation grâce à l’engagement de la Communauté d’agglomération de grand Cognac,  de la commune de Bouteville, au soutien de la Fondation du Patrimoine et de la mission Bern, ainsi que de la participation de l’association de Sauvegarde du Patrimoine de Bouteville.

Diagnostic archéologique de l’INRAP en 2019

Dans le cadre du projet de restauration et de mise en valeur du château de Bouteville par le communauté d’agglomération du grand Cognac, un diagnostic archéologique, dirigé par Adrien Montigny (INRAP), a été réalisé à l’intérieur de l’enceinte du château. Le premier château aurait été établi par les comtes d’Angoulême au début du Xème siècle, pour se protéger des invasions Normandes. Le château subira de nombreuses transformations au cours de la période médiévale et il sera durement abîmé pendant les guerres de religion. Un nouveau château sera construit mais il restera inachevé. Le château actuel est composé de 3 corps de bâtiment du XVIIème siècle autour d’une cour-terrasse et il ne conserve que peu d’éléments médiévaux visibles en élévation mis à part la topographie du terrain. L’intervention a permis de mettre à jour certains éléments du château médiéval dans plusieurs sondages, tels que le donjon (Tr.6 et 14), un glacis et le premier fossé (Tr.8) et une entrée dotée d’une barbacane (Tr.9).

Bouteville Inrap

L’archéologue et topographe Vincent Miailhe a réalisé une image 3D de son intervention sur le château de Bouteville à découvrir sur ce lien.

Extrait des « Cahiers de l’aqueduc n°1 »

Peinture de Bourignon – Le vallon des ArcsPeinture de Bourrignon : Le Vallon des Arcs

MEDIOLANUM, le chef-lieu de la cité des Santons et ses aqueducs

par Jean-Louis Hillairet

Les origines romaines de Saintes semblent, d’après Louis Maurin, correspondre au premier gouvernement du corégent d’Auguste, Agrippa vers 40 à 37 av. J.-C, et font suite au lancement du schéma routier, dont la première des quatre voies principales partait de Lyon et aboutissait chez les Santons. L’étude architectonique des blocs monumentaux Augustéens et Julio-Claudiens de Mediolanum ( Saintes) montre que ceux-ci n’ont pas d’équivalent en Aquitaine, ce qui incite les scientifiques à penser que cette ville fut la première capitale de cette nouvelle province. Vaste territoire qui s’étendait depuis les abords de la Loire jusqu’aux Pyrénées, elle englobait la plus grande partie du Massif Central. Il est raisonnable de penser, au vu de l’importance des travaux, que c’est ç ce moment, que les Romains décident, grâce à leur maîtrise technologique, de construire un aqueduc pour desservir la ville en eau potable. L’eau représente dans l’antiquité un élément important du confort urbain. Les capitaux que sa construction nécessite manifestent la richesse de la cité.

A cette époque, un premier aqueduc voit le jour, depuis la source de la « Font-Morillon » sur la commune de Fontcouverte, jusqu’aux thermes de Saint-Vivien, construits au bord de la Charente.

Sur le parcours, plusieurs ouvrages de qualité ont été réalisés: le pont-aqueduc du vallon des Arcs, long de 160m avec ses 27 arcades, puis la galerie du « Plantis des neuf puits », creusée sur une longueur de 500m à 17m de profondeur, enfin un autre pont-aqueduc à « Hautmont » long de 400m qui comprenait 62 arches et atteignait 29 m de hauteur. Cet aqueduc devait avoir, d’après A. Triou, un débit de 3000m³/jour.

Planche Claude MassePlanche de Claude Masse : le pont-aqueduc du vallon des arcs et le tunnel du Plantis des neuf puits en haut et le pont-aqueduc de Haumont en bas

C’est ainsi, qu’un nouvel établissement thermal est construit à Saint-Saloine pour répondre à l’augmentation de la population. A cette occasion, il faut revoir le débit de l’aqueduc qui est trop faible. Ainsi voit le jour un nouvel aqueduc réunissant les eaux des sources des communes du Douhet et de Vénérand, qui double le parcours du premier aqueduc à partir de la source de Fontcouverte, et permet sans doute d’additionner ses eaux aux deux autres. Le débit ainsi cumulé du nouvel aqueduc pouvait atteindre environ 10 000m³/jour. Ce nouvel itinéraire a permis de réutiliser, après des modifications de hauteur, les ouvrages d’art du premier aqueduc, diminuant ainsi le coût de la construction.

Les aqueducs de Saintes possèdent différents types d’ouvrages. Tout d’abord en leur point de départ, les captages des sources, et leur arrivée, les thermes. Entre ces deux points, il existe un conduit qui a été réalisé soit en tranchées, soit en tunnels, soit en galeries construites hors sol. Puis, lorsqu’il doit franchir un vallon et une vallée, ce conduit passe soit sur un mur-pont, soit sur un pont-aqueduc, voire, pour le franchissement de la vallée de la Charente, par le biais d’un siphon muni d’ouvrages spécifiques ( réservoirs de chasse et de fuite). Un autre ouvrage remarquable est le bassin de jonction des deux aqueducs de Vénérand et du Douhet, celui-ci possédant un système d’évacuation des eaux, en souterrain, assez complexe.

Les recherches effectuées depuis 2003 ont permis de mettre au jour d’autres ouvrages inédits, tels que le croisement de deux aqueducs à l’emplacement d’un talweg de vallon, des systèmes de délestage d’eau, des mur-ponts, la jonction entre la sortie d’un tunnel et le début d’une tranchée et surtout un troisième aqueduc plus tardif.

Galerue des neufs puits J. TriouLa galerie des neuf puits, photo de J. Triou

Extrait publié par la SahCM en 2008 dans  » les cahiers de l’aqueduc n°1  » (épuisé)

Les autres cahiers sont toujours disponibles à la vente :

Les cahiers de l’aqueduc n°2

Les cahiers de l’aqueduc n°3

Les cahiers de l’aqueduc n°4